"Muses Inquiétantes" de De Chirico

Les Reproductions d'œuvres d'art du GRS - 15e arrondissement

 

 

Création du tableau "Muses inquiétantes":

La reproduction de cette œuvre est visible également dans la salle du "Cellier", au coté du tableau Œdipus Rex. Ces deux reproductions est sans doute l'œuvre du même cataphile. Elles datent des années 1980, lorsque les cataphiles investirent les anciennes brasseries de la grande Gallia.

Reproduction de "Muses inquiétantes" dans la salle du Cellier (GRS)
Tableau "Muses inquiétantes" de De Chirico - peint en 1917

 

 

Interprétation de "Muses inquiétantes" :

Ce tableau a été peint par De Chirico précurseur du surréaliste. Cette peinture représente deux mannequins disposés sur une place vide au fond de laquelle on aperçoit un château et une usine. Le tableau est construit en respectant l'organisation traditionnelle de la perspective dans l'espace, ce qui n'est pas habituel dans le courant surréaliste. Le tableau est construit autour d'une dualité entre la modernité classique et la technologie, entre une réalité onirique et l'illusion du rêve.

Ces deux mannequins, un homme et une femme, sont à rapprocher de l'enfance du peintre. Ce parents possédaient une maison de couture où de nombreux mannequins de coutures effrayé l'enfant qu'était alors Chirico. Ils s'imposent, dans la toile vide d'homme, comme les seuls subterfuges de l'être humain. Ils représentent également les deux piliers de la modernité classique, que sont l'individu et l'universalité. On peut les percevoir aussi comme les héros du passés absent dans cette ville vide et déserte d'humanité. Ils sont entourés d'objets hétéroclites (boites, des tés, des règles) qui se mélangent à des symboles évoquant la Grèce antique. Les draperies, la base de colonne, le bouclier, transforment ces mannequins en ruines ou statues antiques. Ces mannequins sont redondants dans ces œuvres métaphysique et symbolisent le reflet de l'inconscient.

Lithographie "Gli Archeologi V" de Chirico - 1969
"Deux masques " de Chirico - 1926
 
En arrière plan deux bâtiments s'oppose. A droite, on peut voir le château de Ferrare qui est la ville où se réfugia le peintre vers 1917, lors de la première guerre mondiale. Il est a associé avec la symbolique classique évoquée par les mannequins. A gauche, une usine symbolise la technologie qui vient faire vaciller le passé classique.

Détail de l'arrière plan du tableau "Muse inquiétante"
Château des Seigneurs de Ferrare en Italie
 

Ce tableau évoque également le rêve à travers des songes nostalgiques de la vie l'artiste, que sont les mannequins de couture et l'évocation de la ville de Ferrare. L'impression de rêve est renforcée par une perspective schématique et profonde appelant au vide, donnant un coté irréel et théâtral. Le planché en bois évoque lui même l'aspect décor de théâtre. La lumière chaude et les ombres rasantes contribuent également à cette atmosphère de rêve.

Le coté inquiétant évoqué dans le titre apparait sous plusieurs formes. A travers ces muses immobiles et décapitées; "n'osant pas bouger", elles écoutent "la musique du silence" dira René Crevel. A travers de vide de la place de la ville, les cheminées de l'usine de fument pas.

Ce tableau s'inscrit dans la peinture métaphysique que Chirico créa en 1917 à Ferrare, avec l'aide des peintres Carra et Morandi. Ce courant invite à la signification profonde des formes à travers le rêve et les mythes. Chez Chirico, les mannequins font partie de cet univers métaphysique. Ce courant de peinture rencontre un succès internationale et participe à l'apparition du surréalisme dont Chirico peut-être considéré comme le précurseur. Ce courant s'arrête vers 1921.

 

 

Autres versions des Muses :

Chirico reprendra de nombreuse fois, au court de son œuvre, ces représentations de mannequins. Néanmoins, cette composition "des muses inquiétantes" sera reprise quasi intégralement deux autres fois par l'artiste.

- Une première fois en 1970, sous forme d'un lithographie coloriée intitulée "Del Pomeriggio". Dans cette version l'usine à disparue au profit de quelques bâtiments évoquant de façon plus marqué la ville de Ferrare.

- Une seconde fois en 1975, sous forme d'une gravure intitulée "muses inquiétantes". La composition est très épurée renforcent cette impression de vide. Il ne reste plus que les deux muses et un château à l'architecture très française.

Lithographie en couleur intitulée "Del Pomeriggio" de Chirico - 1970
"Muses inquiétantes" de Chirico - gravure de 1975

 

Beaucoup plus récemment l'artiste libanais Ali Hassoun, a réinterprété sous forme de deux tableaux l'œuvre de Chirico. Ces œuvres ont été présentées dans la cadre d'une exposition intitulée "Artistes arabes, entre l'Italie et la Méditerranée" située dans le vieux Damas, en février 2008. Cette exposition visait à combler le fossé entre l'Occident et le Moyen-Orient arabe.

- Une première réinterprétation de l'œuvre, intitulée "Les places de l'Italie", met en scène des musulmans de dos et à genoux en train de prier. L'espace vide et le planché se transforme alors en mosquée grâce à la présence d'un tapis et des souliers des fidèles resté au premier plan. Le château de Ferrare devient alors une mosquée vers laquelle les pélerins se tournent. Cette cité vide, peinte par Chirico, se remplie d'une nouvelle réalité. Ce tableau engagé proclame la liberté d'expression et la liberté de vivre leur foi en public, en plein air.

- La deuxième réinterprétation de l'œuvre est intitulée "Le Musée inquiétant". Une jeune fille musulmane devient spectatrice de cette scène inquiétante. Elle est d'autant plus à l'extérieur de la scène, qu'elle est le seul élément coloré du tableau.

"Les places d'Italie" d'Ali Hassoun
"Musée inquiétant" d'Ali Hassoun

 

 

Giorgio De Chirico :

Né en 1888 en Grèce, de parents italiens, De Chirico étudia à Athènes. A partir de 1906, à Munich, où il approfondit sa culture artistique et philosophique sous l'influence des peintres romantiques Arnold Böcklin et Max Klinger. A Paris en 1911, il connut Picasso et Apollinaire. Les mannequins apparaissent dans ces œuvres empruntant des éléments aux cubismes et au futurisme. Peu de temps après, réfugié à Ferrare, le peintre fonde avec Carlo Carrà et Morandi la "peinture métaphysique" et le mouvement "Valori Plastici". Il sera progressivement marqué par la philosophie Nietzsche, qui se traduit par l'apparition du thème de l'inconscient dans ces toiles, que les surréalistes naissant cherchent à s’approprier. C'est pour cela qu'on le considère comme le précursseur du surréalisme. A la fin de sa vie, De Chirico se consacre au décor de théâtre, aux portraits et natures mortes réalistes. Il meurt à Rome en 1978, à l’âge de 90 ans.

Autoportrait de Giorgio De chirico - 1954
Portrait de De Chirico réalisé par Vechten - 1936