"La grand Vague" de Hokusai

Les Reproductions d'œuvres d'art du GRS - 14e arrondissement

 

 

Histoire de la "Vague" des catacombes :

"La Vague" est sans doute la fresque la plus célèbre du GRS. L'œuvre originale est une réalisation du maitre d'estampes japonaises Hokusai. Elle est située dans la salle surnommée "la plage" en raison du sable présent au sol et correspondant aux couches du Stampien. Le nom du lieu inspira, sans nul doute, les cataphiles dans leur choix de "La vague". Elle a été peinte par le groupe des "Rats" dans les années 80 et plus précisément par l'un de ces membres, un dénommé "Dan". Cette première version avait été réalisée entièrement au pinceau car les bombes de peinture n'étaient pas encore couramment utilisées. Cette création artistique s'inscrit une démarche, des "Rats", de réinvestir cette salle qui était, en autre, devenue un dépotoir d'ordures. Les années suivantes les "Rats" entretenaient régulièrement la "Plage". Dan "rafraîchissait" la vague environ tous les deux ans, afin de limiter l'impact des autres graffitis qui venaient s'y superposer.

DAN restaurant l'écume de la vague à la peinture blanche, et le mur de gauche, vers 1990-1991. (photo Olivier Faÿ - Der Untergrund von Paris )
La vague en décembre 1992 avec un fond blanc. (Olivier Faÿ )
 
Progressivement le groupe des "Rats" disparurent du monde cataphile. Pourtant la vague continua à persister grâce à des retouches régulières apportées par d'autres graffeurs comme Psy ou Risbo. Ces retouches éparses lui permis de traverser les années. Jusqu'a ce qu'elle soit à nouveau dégradée, en 2007, par des individus ignorant visiblement l'histoire du lieu et de son patrimoine contemporain.
La vague en 2006 avec un fond rouge. (photo Suri)
Estampe originale de "La grande Vague de Kanagawa" de Hokusai.
 

En novembre 2007, un groupe de cataphiles surnommés "les gardiens du temple"(GDT), décidèrent de restaurer à nouveau la vague. Ce chantier a aboutis à une nouvelle interprétation de la vague de Dan, avec un graphisme plus contemporain reflet de l'évolution permanente de l'art du graff. La réalisation a été faite au pinceau afin de respecter l'esprit de la première version. Il faut également noter que la signature de l'auteur initial ("Dan") a été apposée car elle a été conservée dans toutes les restaurations précédentes. Cette Vague cataphile est devenue en quelques sorte un hommage à Dan.

La fresque de "La grande Vague", suite à sa restauration par le groupe GDT.

 

De plus, cette restauration s'est accompagnée, en juillet 2008, d'un ajout de deux extensions supplémentaires qui entourent la vague initiale. Ces ajouts reprennent, en partie, l'iconographie des estampes japonaises comme la grue, les montagnes et les pins accrochés aux montagnes. Ces symboles sont également chers à Hokusai qui les a utilisés dans la série d'estampes "du mont Fuji", dont fait partie La Vague. En parallèle la banquette située au bas de la vague a été également entièrement refaite.

Il faut souligner que le groupe des GDT est composé de cataphiles très hétéroclites (frotteurs, tagueurs, historiens). On ne peut que souhaiter que ce genre d'initiatives collectives se multiplient dans notre sous-sol Parisien.

(1) "Le ministre Toru"- Hokusai - Série du "Miroir de la Chine et du Japon) - (1833)

(2) "Deux grues sur un pin enneigé" - Hokusai - Série des fleurs et d'oiseaux - (1832)

(1)
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DAN a réalisé deux autres vagues similaires dans le GRS. Une était présente dans la salle "Cabanis" mais malheureusement elle n'a pas résistée aux graffitis successifs. L'autre est toujours visible au "Bar des rats" dans son état quasi originel, ce qui s'explique sans doute par le fait que le nord est beaucoup moins fréquenté.
L'autre vague située au "Bar des rats". (photo Suri)
Reste d'une vague dans la salle Cabanis - Années 90 (Archives FC)

 

 

Interprétation de la Vague de Hokusai :

La vague de Hokusai est une estampe, datant de 1830, faisant partie de la série des "trente-six vues du mont fuji". L'estampe japonaise (Ukijo-e) est une image imprimée sur papier d'après une gravure sur bois. La vague est polychrome, ce qui a nécessité de graver sur différentes planches chaque portion d'image ayant une couleur unie. Le dessin original ne mesure que 25 cm x 37 cm.

Le sujet principal est donc le mont Fuji, situé en arrière plan et au centre du dessin. Le premier plan représente trois barques (Oshiokuri-bune) qui servaient à transporter le poisson des villages de pêcheurs des péninsules d'Izu et de Boso vers le marché aux poissons de la baie d'Edo. Cependant elles symbolisent le transport de marchandises pr&egrav;s de Tokyo, dans la province de Kanagawa, au courant du 19e siècle. La vague est parfois interprétée comme un tsunami monstrueux et donc les "griffes" d'écume menacent les pêcheurs. On distingue également deux inscriptions; le nom de l'artiste (Hokusai aratame Iitsu hitsu) dans un cartouche et le titre de l'œuvre (Trente-six vues du mont Fuji - au large de Kanagawa - Sous la vague).

Cette estampe reflète l'influence de l'Occident sur l'art traditionnel des étampes japonaises. Deux aspects appuient ce constat :

- L'utilisation du bleu de Prusse qui est un colorant chimique importé massivement au Japon par les hollandais en 1829. Hokusai va l'utiliser de façon importante en 1830, au détriment de l'indigo traditionnellement utilisé. On appelle cette période la "révolution bleue" dans l'œuvre de l'artiste. Les traits de cette estampe sont également réalisés en bleu de Prusse au lieu de la célèbre encre de Chine. Les 10 premières estampes, de la série du mont Fuji, seront réalisées avec ce bleu. Il influencera toute une génération d'artiste.

- La perspective est le deuxième élément occidental. En effet, dans la peinture traditionnelle Japonaise la taille des objets et personnages dépendent de leur importance et non de leur position par rapport à une perspective. Ici, on distingue clairement deux plans qui s'opposent de façon complémentaire. Le premier plan, avec la violence de la grande vague, s'oppose au calme du fond vide avec le Fuji, qui constitue un point de fuite. Les couleurs utilisées (bleu et beige) sont également complémentaires. On peut y voir le yin et le yang.

Cartouches avec le titre et la signature à coté.
Silhouette du Yin et Yang à travers l'œuvre de la grande vague.

 

 

Les différentes estampes de la Vague :

Il en existe dans le monde plusieurs exemplaires originaux présents dans des musées (dont un au musée Guimet à Paris, un à la BNF et un dans la collection de Claude Monet). Leur qualité est variable est s'évalue par le détail des traits de la signature et aux détails des nuages. Un original signifie que le graveur sur bois et l'encreur travaillaient sous la direction de l'artiste. D'autre part, certaines estampes illustrant le même thème ont été réalisées plus de trente ans auparavant. Elles peuvent être considérées comme des œuvres annonciatrices de la version de Hokusai, qui est bien plus aboutie au niveau de la dynamique, de la perspective et des couleurs. D'autres artistes japonais reprendront ultérieurement ce thème de grande vague et Hokusai réinterprétera même sa propre vague, où l'écume se transforme en oiseaux.

"Vue de Honmoku au large de Kanagawa" (1803)
"Bateaux cargo luttant contre les vagues" ( vers 1805)

 

Kaijo no fuji - Hokusai - second volume des cents vues du mont Fuji (1835)
Kaijo no fuji - Hokusai - second volume des cents vues du mont Fuji (1835)

 

 

Les réinterprétations contemporaines de la Vague :

Cette incorporation de traditions artistiques occidentales dans l'estampe de la vague a contribué à son succès en Europe. Les peintres occidentaux purent s'y projeter et se firent même fortement influencer dans leurs propres créations. On peut citer notamment l'influence qu'elle a pu jouer chez les impressionnistes et dans l'art nouveau.

Aujourd'hui c'est sans nul doute l'estampe japonaise la plus célèbre au monde. Elle a été depuis de nombreuses fois réutilisée, réinterprétée ou parodiée. Son image est présente dans notre quotidien plus largement qu'on ne pourrait le croire :

- Elle a été récupérée à des fins commerciales, dont la plus célèbre est le logo de "Quicksilver". De façon plus éphémère elle a été utilisée pour des promotions publicitaires d'Orangina et d'IBM.

- Elle a également été réinterprétée d'une façon plus comtemporaine via une modification de sa texture et du même coup de sa signification.

- Enfin, elle sert de décoration sous forme de posters mais également sur de nombreux objets du quotidien (rideau de douche, Ipod, agenda...)

Couverture du magazine "l'Enseignant" avril 2009 (doc. Olivier Faÿ)
Affiche du film "La Vague"
Affiche d'annonce du film "La Vague"
" la vague de la Griffe Noire" (photo Kop)
La Vague de Jérôme Mesnager
"Les aventures de Corps Blanc"
Réutilisation littéraire de la vague.
 
Réinterprétation de texture par Yuko Shimizu ("The big wave")
" la vague aux lapins" de Kozyndan
Pub Orangina
"Coffee wave" par Quiche
"Great wave moonkey" par Thinkforward
"Uprisings" proposée par Kozyndan (revue GiantRobot )
Réutilisation réscente de la vague por matérialisée la crise financière (2008)
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Camion d'un poissonnier Paris.
Publicité Orangina et le logo de Quiksilver
Timbre américain à l'effigie de la vague
Produit commercial reprenant la vague
 
Finalement la vague d'Hokusai dans les catacombes parisiennes n'est qu'une interprétation supplémentaire, d'une image faisant partie de l'imagerie collective.