Les Regards ponctuant le trajet de l'aqueduc

Sur le trajet d'un aqueduc, il existe de façon regulière des points d'accès à la galerie permettant de vérifier la canalisation. On distingue deux types d'ouvrages: les regards et les puisards.

Architecture du regard :

Un regard est un petit bâtiment en pierres de taille. En général, il possède une porte permettant de rejoindre la galerie de l'aqueduc, située plus bas, par un escalier. D'autre part, au fond du regard, la cunette s'élargit pour former un bassin d'une profondeur variant de 30 cm à 1,50 m. Le toit de l'aqueduc est souvent assez haut et muni de plusieurs trous d'aération. A l'extérieur on trouve souvent une plaque en métal sur laquelle est indiqué l'altitude de l'ouvrage.
Certains regards sont de véritables bijoux d'architecture et atteignent des dimensions disproportionnées au vu de l'aqueduc lui-même. C'est le cas du regard de la lanterne des "sources du nord" ou du regard III de l'aqueduc Médicis.

 

 

 

Regard III de l'aqueduc Médicis (Photo Légionnaire)
Regard IV de l'aqueduc Médicis

 


Fonctions du regard :

Le regard a plusieurs fonctions. Il permet :

- de contrôler localement l'état de la galerie et de curer la cunette si elle est encombrée de vase ou de débris.

- de laisser se décanter, au niveau du bassin, les particules en suspension dans l'eau. Par la suite, le bassin sera vidangé régulièrement. Grâce à ce système, on évite trop de dépôts dans la cunette, ce qui ralentirait le débit d'eau.

- d'oxygéner l'eau qui chute toujours de quelques centimètres de la cunette au bassin. De plus, les aérations sur le regard renouvellent l'air du bâtiment et donc de l'eau qui circule le reste du temps dans une galerie fermée. Cette oxygénation de l'eau évite le développement de bactéries propres aux eaux stagnantes.
La chute d'eau permet également de faire précipiter les sels contenus dans l'eau.

 

 

Lanterne servant d'aération sur le "regard de la lanterne"
Coupe du "Regard de la Lanterne" des sources du nord
Bassin du regard V de l'aqueduc Médicis

- de faire une dérivation de l'eau de tout l'aqueduc pour permettre une réparation. On parle de "regard de décharge". L'eau dérivée passe par une décharge qui est un conduit faisant office de trop plein du bassin.

- de prélever de l'eau pour une concession privée. Dans ce cas, on a souvent un petit réservoir d'eau à côté du regard. Il peut y avoir le départ de plusieurs canalisations grâce à un système de cuve en métal munie de petits trous de taille proportionnelle au débit de la concession. La dérivation peut également servir à alimenter une fontaine.
On parle de "regard de prise d'eau".

 

Cuve métal avec départ des canaux de distribution

Bassin avec trop plein de décharge (en rouge)
(Photo Légionnaire)

 
- de mesurer le débit de l'aqueduc grâce à une "jauge de fontainier".

 

 

Jauge de fontainier:

Ce dispositif est situé au niveau de l'arrivée de l'eau dans le bassin du regard. Il sert à mesurer le débit d'eau de l'aqueduc. La jauge est faite d'une lame de cuivre percée de petits trous. Leur diamètre correspond à un pouce de fontainier

Le "pouce de fontainier" correspond au débit d'eau d'un trou d'un pouce de diamétre (27 mm) établi dans une paroi mince verticale sous l'effet d'une hauteur d'eau de 7 lignes d'eau (15,75 mm) au dessus du trou. On obtient alors un débit de 19150 litre/24 heures soit 13,30 L/min.
Pour mesurer le débit de l'aqueduc, on bouche le nombre de trous necessaires pour que l'eau atteigne la hauteur de 7 lignes d'eau. Ensuite, il suffit de compter le nombre de trous de "pouce de fontainier" ouverts. ex : si 20 trous sont ouverts, on a un débit de 20 pouces de fontainier soit 266 L/min.

Remarque : La ligne d'eau est un sous multiple établi à partir du pouce de fontainier. 1 pouce de fontainier = 144 lignes d'eau.

 

Jauge de fontainier d'un débit de 20 "pouces de fontainier" (M. Renard)
Jauge en cuivre dans le regard du trou Morin

 


Puisard :

Le puisard (ou soupirail) est un puits permettant d'accéder à l'aqueduc par le haut de la voûte. Quand l'aqueduc est profond, le puisard prend l'aspect d'un petit puits maçonné trapézoïdal. Afin de pouvoir y descendre, les parois sont pourvues d'encoches permettant d'y mettre les pieds. En surface, les puisards sont fermés par un tampon de pierre muni d'une tige de fer ou par des madrier en bois couvert de terre. Plus tard, certains ont été fermés par du béton ou des plaques !
Les puisards sont en nombre bien plus important que les regards car ce sont des ouvrages bien plus modestes et leurs rôles sont :

- d'accéder à l'aqueduc pour son entretien.
- de favoriser l'aération de la galerie, notamment pendant la construction de l'aqueduc.
- de permettre l'évacuation des déblais lors de la construction. On trouve notamment des entailles, dans les voûtes, formées par la traction des blocs dans le regard par des cordes.

 

Coupe longitudinale d'un puisard (M.Renard)
Vue de dessous d'un puisard
 
Tampon de pierre
Traces d'usure des pierres par la corde