"Guernica" de Picasso

Les Reproductions d'œuvres d'art du GRS - 14e arrondissement

 

 

Picasso dans les catacombes :

Cette fresque du GRS est la reproduction du tableau Guernica. C'est sans nul doute l'un des chefs-oeuvres de Picasso. Cette peinture à l'huile fut réalisée en juin 1937, sur une toile immense de 3,51 m x 7,82 m. Son interprétation est très complexe et ne fut jamais totalement dévoilée par le maître.

Elle illustre le bombardement, du 26 avril 1937, de la petite ville de Guernica, symbole de la liberté basque, organisé par l'aviation allemande au service de Franco. Picasso est profondément choqué par cet acte de barbarie qui fit 1654 morts civils, rasant totalement le centre ville. Il se mit à peindre de façon effréné pendant 2 jours et 2 nuits.

Reproduction du tableau "Guernica" à la "Plage" (GRS)
 
Le tableau original "Guernica", de Pablo Picasso.

 

 

L'interprétation de la toile

L'anéantissement de la culture humaine par la guerre constitue le sens volontairement universel du message de Guernica exprimé par les visages hurlants du tableau. Picasso en dira; «La peinture n'est pas faite pour décorer les appartements, c'est un instrument de guerre, offensif et défensif, contre l'ennemi.»

 

- Le taureau est impassible face à l'horreur, avec ses yeux froids qui regardent les chevaux et le soldat agonissant. Les lames acérées des cornes et les oreilles suggèrent la violence de l'affrontement et symbolise la brutalité l'obscurité via son corps noir. D'un autre coté sa forme enveloppe et protège la mère et de son enfant mort dans ses bras. La mère défie la bête, le visage tendu vers le ciel d'où sont venues les bombes. L'allongement et la tension du cou, son cri, l'œil en forme de larme, expriment le paroxysme de la douleur et de la détresse. La tendresse de ses bras qui enveloppent la frêle victime, la grâce du petit corps inerte au visage d'ange, aux pieds menus reprend le thème de la Pietà (Marie agenouillée avec le christ mort dans ces bras).«Le taureau est un taureau, (...) c'est tout. Il n'y a pas de relation politique pour moi ; obscurité et brutalité oui, mais pas le fascisme.» (Picasso)

 

- Le cheval éventré symbolise le peuple. C'est le sujet majeur de la toile, placé au centre il incarne la liberté mourante. Cette mort est symbolisée par l'agonie de l'animal qui à recu une lance dans son flan ouvert. Ce symbole renvoi également à la blessure de la poitrine du Christ Lors de la crucifixion, symbole de la souffrance et de l'agonie. la lampe ou soleil situé au dessus de la tête du cheval peut aussi être la couronne d'épines du christ. la douleur est exprimée aussi par la langue pointue comme un couteau.

 

 

- Le choeur de trois femmes, sur le coté droit de la composition, forme un chœur antique, pleurant la liberté agonisante. Une femme accourt, pour partager la souffrance du cheval. La déformation monstrueuse, du corps et des pieds, répond en symétrie aux mains grandes ouvertes du guerrier.

 

- la femme à la torche: Sur la droite, une lampe à pétrole tendue par un bras d'une femme au visage bienvaillant, représente le faible espoir d'un soutien pour continuer la lutte. La lampe est dirigée vers le cheval ou le peuple. Elle renvoie à la statue de la Liberté de Manhattan et aux symboliques de femmes portant des lampes, incarnant l'avenir, la sagesse.

 
- Le guerrier et l'épée: Au sol gît le combattant décapité. Son bras sectionné démontre l'horreur et la violence de la guerre. Les bras en croix évoquent un crucifié, mort pour avoir pris la défense de la liberté. L'enchevêtrement du soldat avec les pattes du cheval symbolise leur union dans leur lutte commune. L'épée brisée rappelle l'héroïsme des chevaliers qui se battaient jusqu'à la mort. On peut aussi y voir le symbole de la paix, au même titre que la petite fleur sortant de l'épée. La dentition, ici dessinée avec précision, signifie chez Picasso la force combattive.

 

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Composition de la toile :

Bien que les premières esquises aient été en couleurs, Picasso retient la gamme de gris traduisant son état de deuil face à l'événement.

Dans ce tableau, l'espace est incertain et tridimensionnel, les corps sont distendus, cassés par l'éclatement des plans, emboîtés et disloqués. Néanmoins ce chaos est contrebalancé par la hiérarchisation apportée par la graduation des gris et les forts contrastes noir/blanc qui apportent à la composition sa cohérence. De plus, le tableau s'organise en trois parties, tel un triptique . Au centre se trouve un triangle dont la pointe est formée par la lanterne. Les deux pans sur les cotés sont symétriques par leur jeu de couleurs. L'œuvre mélange destruction et construction.

Son élaboration est une synthèse du cubisme, du surréalisme, des symboles anciens et des préoccupations picturales propres à l'univers de Picasso. La volonté de faire un chef-d'œuvre moderne fait partie de son projet, tant par les dimensions du format que par l'enjeu esthétique du tableau.

Lignes de force composant le tableau de Picasso.

 

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L'histoire du tableau Guernica :

En janvier 1937, Pablo Picasso voit débarquer dans son atelier parisien de la rue des grands Augustins, à Paris, des représentants du gouvernement républicain espagnol et José Gaos, commissaire général du pavillon espagnol de l'exposition universelle de Paris de 1937. «Don Pablo», lui dit José Gaos, «je suis mandaté par le gouvernement pour vous passer commande d’une œuvre de grande dimension qui recouvrira un mur entier de notre pavillon».

Atelier des grands Augustins en 1937 (doc. Picasso administration)
Portrait de Picasso, en 1934, réalisé par Man Ray (doc. Picasso administration)
 

Quatre mois passent et Picasso tarde à se mettre au travail. Le 29 avril 1937, Picasso apprend le bombardement de la ville basque de Guernica et découvre les premières photos de la cité martyriséedans le journal "l'Humanité". Il passe alors commande d’une grande toile au vieux Castelucho. Le lendemain à dix heures, on lui apporte la toile;

«Picasso déjà levé et visiblement surexcité me demande pourquoi j’arrive si tard et me passe une engueulade. Nous déroulons la toile, la tendons puis la clouons à un châssis. A terre, plusieurs dizaines de dessins. A peine ai-je le temps de fixer une première partie de la toile qu’il grimpe sur un escabeau et commence à dessiner avec des fusains.» (Jean Vidal encadreur)

Pendant deux jours et deux nuits, Picasso travaille les premières esquisses. Le 9 mai, il commence à unifier les premiers éléments. Il fera au total une centaines d'études préparatoires. A l'exposition universelle, le tableau sera ignoré par la presse. Le Corbusier dira plus tard que des 31 millions de visiteurs, «Guernica n’a vu que des épaules». Quant au commissaire du pavillon allemand, il clame que la toile est «digne d’un fou ou d’un enfant de quatre ans». Néanmoins quelques artistes et journalistes qualifient l’oeuvre de magistrale.

Etude du tableau Guernica réalisée par Picasso.
Etude du tableau Guernica réalisée par Picasso. 
 

En septembre 1938, la toile se prépare à un voyage afin de réunir des fonds en faveur des réfugiés espagnols. Elle part à Londres où elle est exposée dans deux galleries. L’œuvre fera une courte escale à Paris puis prendra la direction des Etats-Unis où elle restera un peu plus de quarante ans. Après un périple à travers tout le pays, elle est intallée au Musée d’Art Moderne de New-York.

A la fin des années 1960, une rumeur enfle. Le gouvernement espagnol souhaite récupérer le tableau. Cependant Picasso fait savoir par son avocat que l'oeuvre ne rentrera pas avant que la démocratie soit revenue en Espagne. En novembre 1970, Picasso s’adresse directement au musée de New-York en ces termes :

«En 1939, j’ai confié à votre musée le tableau connu sous le nom de « Guernica » ainsi que les études ou les dessins y afférents qui ne peuvent être séparés de l’œuvre principale. Vous avez accepté de remettre le tableau, les études et dessins aux représentants qualifiés du gouvernement espagnol lorsque les libertés publiques seront rétablies en Espagne (…) L’unique condition mise par moi à ce retour concerne l’avis d’un juriste. Le musée devra donc préalablement à toute initiative demander l’avis de Maître Roland Dumas et le musée devra se conformer à l’avis qu’il donnera (…) Il s’agira pour lui, ou ses successeurs, d’apprécier si les libertés publiques ont été rétablies en Espagne.»

Picasso meurt en 1974 et Franco l’année suivante. En 1977, le Sénat espagnol considérant les libertés sont à nouveau garanties et demande le retour de la toile en Espagne. Le dimanche 25 octobre 1981, l'oeuvre Guernica est accrochée au musée du Prado de Madrid.

 

Sa présence dans le grand réseau sud des catacombes me laisse perplexe ! On ne peut que constater que la méconnaissance de certain explorateurs a entrainé une dégradation importante de la fresque, qui devrait vraisemblablement être restaurée rapidement. J'espère que ces quelques lignes contribuerons à mieux comprendre et donc à mieux respecter cette reproduction !