" Œdipus Rex " de Max Ernst

Les Reproductions d'œuvres d'art du GRS - 15e arrondissement

 

 

Œdipus Rex dans le GRS :

Cette fresque est présente au "Cellier" et a été peinte au pinceau. C'est une reproduction fidèle, sans interprétation, d'Œdipus Rex du peintre Max Ernst. Elle fut peinte en 1922 puis achetée par Eluard. C'est une œuvre majeur du peintre, qui reprend le thème du complexe d'Oedipe.

Reproduction de Œdipus Rex dans la salle du cellier située dans le GRS.
Tableau original de Ernst Max peint en 1922.

 

 

L'interprétation mythologique "d'Œdipus Rex" :

La première lecture de ce tableau correspond à une mise en peinture de la célèbre tragédie grecqueOedipe, fils de Laïos et de Jocaste, tue son père et devient l'époux de sa mère. Pour Les peintres surréalistes, dont Ernst fait partie, Oedipe symbolise un héros de la révolte contre l'autorité paternelle. Cette représentation prend l'apparence d'un rêve avec des jeux d'échelles arbitraire, comme la main géante qui sort d'une fenêtre trop petite. Max Ernst des sa plus jeune enfance est enté par le rêve. On peut identifier les différents éléments du mythe d'Oedipe :

- Les deux oiseaux représentent le couple d'amants fautifs. La mère Oedipe, Jocaste, est symbolisée par la tête située au premier plan. Quand à Oedipe, il apparait sous les traits d'un oiseau male dont le sexe est symbolisé par les cornes.

Ces deux têtes animales ont un aspect zoomorphe de part leurs yeux humains en amandes. Habituellement Ernst représente les yeux des oiseaux par un point rond. Ce type d'œil bordé de cils apparait plusieurs fois chez l'artiste, notamment dans "la roue de la lumière" (1926). Il n'y a donc pas de doute, ces animaux aux yeux humains représentent le couple d'amants. De plus, l'œil représente chez les surréalistes "la serrure des rêves".

Détails d'œils d'oiseaux rond, peint par Ernst Max.
"La roue de la lumière" représentant un œil humain similaire à ceux des oiseaux d'Œdipus Rex. (1926).

 

- L'enfermement des amants dans la culpabilité est symbolisé par plusieurs éléments. On peut voir que les deux têtes d'oiseaux sortent d'un planché qui les immobilises. Cette représentation apparait déjà en 1922 dans "Répétition" via le dessin "Luire" où on distingue un cheval, une vache et une femme sortant d'un planché. D'autres part, la femelle oiseau est bloquée par une barrière qui rehausse son cou. Quand au male, il est retenu par des fils accrochés à ses cornes. Dans la partie gauche du tableau, la main évoque également cet emprisonnement, car il est évident qu'elle ne peu passer cette fenêtre trop étroite ! Enfin, ces deux regards fixes traduisent leur aveuglement face à leur histoire.

Détails des deux oiseaux zoomorphes male et femelle.
Tableau "Luire", de Ernst , pouvant être considéré comme un travail préparatoire du tableau Œdipus Rex.
 

- Les forces occultes, dénommées oracle dans la mythologie grecque, manipule le couple aveuglé vers le destin immoral. Ces forces sont symbolisées par cette main disproportionnée sortant de la fenêtre. Cette composition est probablement influencée par une gravure de Max Klinger, intitulée "l'enlèvement", où des mains traverses un carreau pour essayer de rattraper un ptérodactyle par la queue.

Tableau de Max Klinger, "L'enlèvement" , ayant peu être inspiré Ernst.
 

- La noix, qu'elle tient entre ces doigts, évoque la boite crânienne contenant le cerveau humain qui abrite conscient et inconscient. Cette symbolique renvoi aux études menées par Freud sur le complexe d'Oedipe. L'iconographie, de cette main tenant une noix, est tirée d'une illustration de la revue "La Nature" de 1898.

Quand à la flèche et l'arbalète, qui traversent le doigt et la noix, on peut y voir le symbole de l'acte d'automutilation d'Oedipe. Ce dernier, dans cette tragédie grecque finit par se crever les yeux, avec les agrafes en or des vêtements de sa mère qui vient de se pendre. Cet acte symbolise son aveuglement face à son histoire. Ernst fit apparaitre pour la première fois cette main transpercée dans "Collage pour invention" dans son œuvre Répétitions.

Dessin identique à la représentation du tableau, ayant été publié en 1898 dans la revue La Nature.
"Collage pour invention" qui fait apparaitre pour la première fois la main mutilée dans l'eouvre de Ernst.
 
Enfin, un petit détail surprenant est visible, en arrière plan, dans le ciel. Sa forme une motgolfière. Sa présence souligne sans doute le caractère fantastique, car lié aux rêves, de cette représentation d'Œdipus Rex. On peut le rapprocher au ballon fantastique de la lithographie d'Odilon Redon intitulé "L'œil ballon" (1878). Le ballon fait alors échos aux yeux humain des oiseaux zoomorphes, à l'aveuglement et à la mutilation d'Oedipe.

 

Toute petite montgolfière visible en arrière plan dans le ciel du tableau d'Œdipus.
"L'œil ballon" d'Odilon Redon, qui pourrait avoir inspiré Max Ernst.
 
Pour conclure sur cette interprétation de l'œuvre, un collage sans titre d'Ernst (datant de 1921), préfigure l'assemblage de plusieurs éléments (main, fils, oiseau) du tableau. De plus, ces symboliques réapparaîtront dans le collage "Une semaine de Bonté", que Ernst peint en 1934. L'artiste lui même ajoute la précision suivante au titre : 4e cahier : mercredi Oedipe.

Collage sans titre de Ernst qui s'inscrit également comme un travail préparatoire de l'œuvre Œdipus.
Le collage " Une semaine de Bonté" où l'on retrouve de nombreux éléments du tableau Œdipus Rex.

 

 

Une deuxième interprétation possible :

Une deuxième lecture plus incertaine de l'œuvre est l'évocation religieuse. A nouveau plusieurs éléments renvoient à divers symboles religieux. Cette interprétation prend du sens, si l'on souligne la tendance forte qu'ont les surréalistes a associer des formes à des idées.

- L'oiseau avec les cornes représenterait également le bœuf de l'étable. L'oiseau en premier plan serait alors l'âne. Cette interprétation s'appuis le collage "Luire" évoqué plus haut. On peut y voir un âne et un œuf en train de lécher un bloc de sel. Ils sont représentés dans la même situation que les deux oiseaux, c'est à dire sortant d'un planché. Dans les représentations de la nativité, ces deux animaux sont également souvent tronqués. De plus, la barrière autour du cou du premier oiseau évoquerait la mangeoire ou la barrière les séparant de Jésus. Enfin, le bœuf est le plus souvent représenté attaché par les cornes avec une corde.

Nombreux extraits de peintures montrant le bœuf et sa corde ligaturant ces cornes et la barrière en bois.
 
- La fenêtre et la main en sortant, symboliserait l'annonciation de l'ange Gabrielle apparaissant à Marie par une fenêtre. Cette représentation est utilisée par le peintre Giotto dans son tableau de "L'annonciation". Parfois, les témoins de la naissance de Jésus sont représentés par une fenêtre, comme les mages dans le tableau "L'adoration des mages" de Jérôme Bosch.

Divers extraits de tableau montrant l'utilisation de la fenêtre dans la nativité de Jésus.
 
- La main et la noix transpercée renverraient alors au torse criblé de flèche du martyre Saint Sébastien, dont le torse évoque la matière bosselée de la noix. A travers ces éléments, on peut aussi y voir la main d'Eve tenant le fruit défendu.

Divers extrait de tableaux montrant la main avec le fruit défendu comparable à la main du tableau tenant la noix..

 

 

Ernst Max un peintre surréaliste :

Max Ernst, peintre français d'origine allemande, près de Cologne en 1891. Son père, pieux et autoritaire, était directeur d'une école de sourds et muets et pratiquait la peinture en tant que délassement. D'un caractère très nerveux, Max est très tôt hanté par le rêve. Il entreprend quelques années des études de philosophie. Mais la visite, en 1911, d'une exposition à Cologne où il découvre la peinture de Picasso et des peintres de l'école de Paris, le décide à devenir peintre.

En 1915, il se rend à Paris et y peint des toiles expressionnistes. et est influencé par le mouvement Der Sturm. Après la guerre, Ernst se marie et revient à Cologne où il publie un album de huit lithographies influencé par Chirico. Cette même année, il développe la techniques des collages.

En 1922, il retourne à la communauté d'artistes de Montparnasse à Paris. Il s'inscrit alors dans le courant surréaliste en collaborant avec Paul Eluard, André breton, Joan Miro. Cette même année, il peint Oedipe Rex.

Lors de la seconde guerre mondiale, il est arrêté comme "étranger ennemi" et interné dans le camp des Milles près d'Aix-en-Provence. Il réussit à quitter la France pour l'Amérique où il rejoindra le mouvement des impressionnistes abstrait. En 1953, il s'installe définitivement à Paris, mais l'obtention du "Grand prix" de la biennale de Venise lui vaut l'exclusion du mouvement surréaliste. En avril 1976, Max Ernst est enterré au cimetière du Père-Lachaise.

Marx Ernst en 1965.
Marx Ernst et dorothéa Tanning en 1909.

 

Il est intéressant de constater que ce tableau Oedipe Rex renvoie à la peinture, "Muses inquiétantes", situé juste sur sa gauche, dans la salle du cellier. En Effet, Ernst sera largement influencé par Chirico tout une partie de sa vie. Chirico est justement l'auteur des "Muses inquiétantes" ! En parallèle, le mythe d'Oedipe a également était peint par Ingres, auteur du tableau "la Source", situé sur le mur d'en face, toujours dans le Cellier. Cette drôle de triangulaire signifierait elle qu'il n'y aurait qu'un seul auteur malicieux, à l'origine de ce trois reproduction de tableaux célèbres des catacombes ?