Outils de manutention des blocs

Une fois que le bloc était extrait du front de taille, il fallait le conduire vers la sortie de la carrière. Déplacer un bloc de plusieurs tonnes relevait d'un travail de titan. D'autant plus que les carriers avaient à leur disposition des outils très rudimentaires.

Treuil de carrier :

Il est apparu dans les carrières vers 1920. Cet outil possède de nombreuses appellations, suivant les régions et les carrières : treuil à mains, « crapaud », « chèvre ». C'est un treuil à trois roues, mobile grâce à trois roulettes. Il permet de déplacer un bloc à l'aide d'une chaîne à maillons courts. Il disparut dans les années 60, du fait de l'apparition du treuil électrique.

Les blocs sont tractés en accrochant le treuil à une deuxième chaîne. Cette chaîne est accrochée à un morceau de bois de hêtre (ou à une barre de fer), lui-même bloqué entre le ciel et le plancher de la carrière. Le treuil était également utilisé pour extraire le bloc du front de taille, à la place des coins. On devait alors passer la chaîne à l'arrière du bloc via des trous, puis on tirait.

treuil crapaud carrier
treuil crapaud carrier
Deux models de scies" crocodile"
Schéma d'un treuil de carrière
Il est équipé d'engrenages de démultiplication, donnant la possibilité de déplacer des charges très lourdes. On actionnait ce treuil avec une ou deux manivelles, actionnées par deux ou quatre carriers. La chaîne s'enroulait sur une roue munie d'alvéoles, qui recevaient les maillons de la chaîne. Ce treuil possédait également un système de cliquet qui empêche le retour en arrière. Certains treuils possédaient deux vitesses, permettant d'adapter la démultiplication et de tirer jusqu'à 20 tonnes.
treuil crapaud carrier
treuil crapaud carrier
Rouages démultiplicateurs d'un treuil (Triel-sur-Seine)
Treuil de carrière avec sa chaîne (Triel-sur-Seine)
treuil crapaud carrier
treuil crapaud carrier
Treuil de carrière avec sa chaîne (Carrière d'Aubigny)
Treuil de carrière incomplet (Carrière de la Savonnière)
treuil crapaud carrier
Treuils de carrière un peu en vrac ! (carrière Hennocque)

 

 

Barre à talon ou pince de carrier :

La barre à talon, ou pince de carrier, permettait de déplacer les blocs sur le principe du levier. Elle est plus ancienne que le crapaud. Cette barre est munie d'une extrémité plate que l'on place sous le bloc. L'autre extrémité fait office de manche. Il existe trois tailles de barres, que l'on utilisait en fonction du volume des blocs :

- la petite barre, mesurant 1,50m, manipulable par un seul homme.

- la barre de taille moyenne, mesurant de 3,5 à 4m pour un poids de 175 kg, qui nécessitait deux hommes.

- la grosse barre, mesurant 4m pour un poids de 250 kg, qui nécessitait 3 à 4 hommes.

 

 
pince barre talon carrier
pince barre talon carrier
 
 
Déplacement d'un bloc de marbre à l'aide d'une petite barre de carrier
   

pince barre talon carrier

pince barre talon carrier
Barre de carrier de taille moyenne (carrière de la Savonnière)
Grande barre de carrier (Carrière Hennocque)

 

 

Cric de carrier :

Le cric de carrier permet également de déplacer les blocs, mais de façon complémentaire au treuil manuel. Le cric est composé d'un corps en hêtre où se trouve une crémaillère. Le modele standard était utilisable dans deux positions. De façon verticale, via la petite « patte»; située sur le côté. De façon horizontale, via la « tête métallique » (appelée levrette) située en haut de la crémaillère. Il existait de nombreuses tailles différentes. Les crics possédaient également un loquet de sécurité servant à verrouiller les rouages et à éviter le retour de manivelle. Un certains nombre de situations nécessitaient le cric :

- Le cric permet de maintenir un bloc incomplètement détaché du deuxième banc, au niveau du front de taille.

- On pouvait soulever un bloc sur wagonnet à l'aide de quatre crics. Les crics étaient alors utilisés verticalement.

- On pouvait également faire coulisser un bloc depuis un quai de chargement sur une charrette. Pour cela, le cric était mis de façon horizontale et on le couplait à une chaîne qui passait à l'arrière du bloc.

Remarque : il existait un deuxième modèle de cric utilisable seulement de façon verticale, le cric-levrette. Cependant, on ne le trouve que très rarement.

cric carrier

cric carrier

cric carrier

Model standard de cric (Extrait de catalogue Feugier)

Model de cric-Levrette (Extrait de catalogue Feugier)
 
cric carrier
cric carrier
Entête de catalogue d'outils de la maison L.Feugier (Sault-Brénaz dans l'Ain)
Cric posé à gauche, avec un ouvrier en train de travailler au pic. (Coll. IGC)

 

cric carrier
Cric standard (Carrière d'Aubigny)
Cric standard avec la "tête" vers le bas (Triel-sur-Seine)

 

 

Civière à pierres ou bard :

Ce support en bois permettait de sortir de la carrière des petits blocs pouvant être soulevés par deux hommes. Il était utile dans ces zones où le sol était accidenté et non accessible avec un wagonnet. Il existait des bards plus gros, nécessitant jusqu'a douze hommes.

bard pierre civiere carrier

 

bard pierre civiere carrier
En premier plan, préparation du chargement d'un petit Bard
Petit Bard de la carrière de Juigon (Photo asso.Carrière/ Patrimoine)

 

 

Wagonnets :

Les wagonnets étaient installés dans des carrières de grandes tailles. Ils étaient tractés par des chevaux ou des locodiesels. On les faisait circuler sur des rails Decauville. On distingue deux types de wagonnets :

- Le wagonnet basculeur, qui permet d'évacuer le remblai.

- le wagonnet à fond plat, qui permet de transporter les blocs de pierres.

Le sujet est vaste, je vous convie donc à regarder le dossier « Trains en carrière »

wagonnet carriere

 

wagonnet carriere
Wagonnet basculeur avec du remmblai mais sans roues ! (Triel-sur-Seine)
Wagonnets à fond plat (Méry-sur-Oise)
 

 

 

Roules, quilles, et chandelles en bois :

L'utilisation de morceaux de bois est une pratique qui vient de la nuit des temps ! Des billes de bois sont utilisées dans plusieurs situations :

- Avant l'apparition du cric, les blocs issus du deuxième banc étaient maintenus par de simple étais en bois appelés « quilles ».

- Afin de déplacer les blocs à l'aide de la pince de carrier, on plaçait des billes de bois au sol. Le bloc roulait dessus à la manière d'un tapis roulant, ce qui leur valu le nom de « roules » ou « boules ».

- Dans certaines régions, on extrayait des blocs de forme rectangulaire et peux profonds. Lors de l'abattage, le bloc était laissé tomber sur des morceaux de bois qui amortissaient la chute. On les appelait « chandelles ».

quille roule carrier

quille roule carrier
Roules permettant de déplacer le bloc en arrière plan (Carrière de marbre)

 

 

Machine originale ! :

Dans la carrière Lefèvre, à Bonneuil-en-Vallois, les inventions allaient « bon train » ! Mr. Lefèvre ne s'est pas contenté de faire une haveuse à doubles fleurets. Il mit également au point un camion transporteur de blocs, en partant d'un modèle de camion enjambeur.

De même que pour la haveuse, cette invention ne sortit jamais de cette carrière !

machine carriere
Camion enjambeur Lefévre