Les attelages de chevaux en carrière

 

Les véhicules en bois et les wagonnets étaient tractés pendant longtemps par des attelages de chevaux. Ces derniers étaient de puissant percherons et boulonnais de 800 à 1.200 kg. Ces attelages étaient guidés par des charretiers ou rouliers, qui guidaient les chevaux à la voix.

Organisation des attelages :

Pour tirer les tombereaux, il fallait le plus souvent un ou deux chevaux. Par contre, quand il s'agissait de tirer un fardier chargé d'un bloc de plusieurs tonnes, le nombre de chevaux devenait conséquent. L'attelage se composé toujours de quatre type de chevaux :

- Le cheval de tête, situé devant. C'était un cheval docile qui obéissait à la voix du charretier. Il connaissait souvent les trajets par coeur et s'arrêtait spontanément en haut de pente, afin de permettre au conducteur de mettre le frein.

- Chevaux de sous-verge, placés derrière le cheval de tête. Ce sont des chevaux jeunes, qui sont placés là, en apprentissage pendant 10 ans. Leur nombre augmentait avec le poids du bloc à tirer. Ils pouvaient être également être placé en double rangée.

- le limonier, placé complètement à l'arrière, au niveau du brancard. C'était le cheval le plus lourd. Il devait amortir les secousses engendrées par les trous de la route, et qui risquait de soulever le cheval. La charge de pierre devait être absolument bien équilibrée pour ne pas appuyer sur le ventre ou le dos du limonier.

- Cheval de cheville, vient en aide au limonier. Il n'est présent que pour de gros chargements.

Organisation d'un attelage pour tirer la pierre.

 

En général un attelage sur la route est composé de 3 à 5 chevaux. Avec un attelage de 3 chevaux, on pouvait tirer un bloc de 2 tonnes. La vitesse moyenne, sur une route plate et avec les pauses repas, était de 3 Km/h. Les chevaux devaient être changés régulièrement, environ toutes les 10 heures, pour de longues distances. Sur les grands axes routiers, on trouvait des relais équestres prévus à cet effet.
Attelage avec double rangée de chevaux de sous-verge, tirant un fardier à Paris.
Convoi de fardiers sortant des carrières Sarazin (Coll. Sarazin)
 
Lorsqu'il fallait sortir le bloc de la carrière, le nombre d'animaux augmentait considérablement, surtout si la carrière était encaissée. On mettait jusqu'a 15 chevaux en ligne. Chaque conducteur pouvait diriger 7 chevaux. Au démarrage, toutes les sangles (ou traits) des chevaux, devaient être tendues, pour que la force de traction soit bien répartie entre tous les chevaux. Lorsque les blocs étaient exceptionnellement lourds, les charretiers pouvaient placer deux attelages paralléèlement ou doubler seulement les chevaux de sous-verge.
Double file de chevaux permettant de sortir le bloc de la carrière. (Chauvigny)
Sortie d'un bloc de la carrière de Saint-Vaast-les-Mello
 
En 1922, dans la carrière de Peuron, un bloc d'environ 25 tonnes et destiné au monument franco-américain de Navarin-en-Champagne, nécessita 30 chevaux. Pour l'occasion, trois rouliers durent apporter leurs chevaux. D'après les carriers locaux, c'est le plus gros bloc qui fut sortie de cette carrière.
Sortie du fameux bloc de 25 tonnes et le démarrage dans la pente (photo de droite)

 

Collier d'épaule et sangles :

Les chevaux étaient équipés d'un collier d'épaules confectionné de cuir et bourré de crain et de paille. Ce bourlet de cuir est renforcé par du bois. Le collier est percé de deux trous permettant de faire passer les sangles, qui sont retenues par un morceau de bois appelé billot. Un collier d'épaules pouvait peser jusqu'a 19 kg. Les colliers étaient souvent ornementés de décorations qui n'ont pas forcements traversées les époques :

- des plaques de métal servant de renfort et de décoration.

- Les colliers étaient, dans certaines régions, recouvert de peaux de moutons à deux pendants, qui pouvaient descendre jusqu'aux genoux du cheval. Au delà de l'aspect décoratif, ces peaux protégeaient l'animal des intempéries. Souvent cette peau était teinte en noir ou en bleu. Cette pratique bien présente au cours du 19ème s., pris fin au alentour des années 1945. Ces housses en peaux furent fabriquées jusque vers 1900, puis elles ne furent qu'entretenues et réparées par les bourreliers jusqu'en 1945.

- les colliers étaient souvent rehaussés de couleurs. Le bleue était beaucoup utilisé pour les attelages de carrière. Des filés de couleurs permettaient de distinguer les chevaux des différents propriétaires, au sein d'une même carrière.

Sur le collier était accroché :

- une lanière pour enrouler la peau de mouton par grosse chaleur.

- une lanière pour accrocher un chasse mouches.

- une lanière pour accrocher la sacoche du carrier, qui contient des billots en bois, un couteau permettant de saigner le cheval en cas de coup de sang.


Colliers restaurés de chevaux travaillant en carrière, donnés par Mme Amyot du village de Parigny.
 

Chaîne du Limonier dans son fourreau ou trais.(carrière de Méry-sur-Oise)
Colliers trouvés dans une marnière de l'Eure

 

Les sangles en cuir des harnais étaient donc fixées au niveau des colliers par les billots. Elles étaient guidées dans des fourreaux en cuir appelés trais. Les chevaux d'un même attelage étaient reliés entre eux par des sangles en cuir. L'ensemble de ces lanières de cuir était bien plus épaisses qu'en agriculture, afin de résister à la traction des blocs de pierres de plusieurs tonnes.

 

 
Pour tirer les wagonnets, la société Decauville proposait un harnais spécifique, appelé "Ecrevisse", et différent de ceux utilisés en agriculture. Se harnais était composé de 8 sangles et un coussinet sur la croupe du cheval.
Le harnais "écrevisse" du catalogue Decauville.
 
Le harnais "écrevisse"
Cheval tirant un wagonnet avec un harnais "écrevisse" (Chauvigny)

 

Descente en carrière des chevaux :

Les chevaux travaillaient également directement dans la partie souterraine de la carrière afin de tracter les blocs depuis le front de taille. Des aménagements leurs étaient destinés afin d'éviter de les ressortir tout le temps : écuries, abreuvoirs, attaches...

La descente en carrière se faisait via des cavages. Quand la carrière n'était accessible que par des puits, il arrivait que l'on descende les chevaux par les puits à l'aide de sangles en cuir. Cette pratique n'était pas aussi courante que dans les mines car on essayait toujours d'avoir un cavage.

Cheval en carrière (carrière de Daignac)
Anneau pour accrocher un cheval en carrière (Méry-sur-Oise) et ancienne écurie en carrière (Mériel)
 

Préparation du cheval avant sa descente.
Descente d'un cheval dans un puits de mine.

 

 

Le treuil avec manége :

A la fin du 19éme siècle, le cheval va remplacer les hommes qui actionnaient les roues de carrier placées en haut des puits. Des manèges à chevaux sont alors accolés au puits. Grâce à ces évolutions technologiques, la capacité de levage passe à 5-10 tonnes. La corde en chanvre s'enroule autour d'un tambour en bois qui surmonte les deux piliers.
Le cheval tournait autour d'un axe, entraînant le tambour grâce à un système d'engrenages à renvoi d'angle et démultiplication. Le cheval, les yeux bandés, parcourait 5 à 6 kilomètres sur le manège de carrière en 1H30 afin de remonter un bloc de 5 tonnes sur une hauteur de 35 mètres.

 


Treuil de Châtillon vu de dessus (Asso. PICAR)

Treuil de Châtillon en marche lors des journées du patrimoine (Asso. PICAR)

Treuil de Châtillon vu de face (Asso. PICAR)

Treuil de Châtillon vu de profil (Asso. PICAR)