Les voies étroites en carrières

La véritable invention de Paul Decauville fut de créer des voies de chemin de fer dites "étroites" qui allaient servir dans toutes les un industries, dont les carrières. Par la suite, d'autres marques apparurent mais elles ne firent que reprendre le concept. L'analyse des voies Decauville permet donc de comprendre l'ensemble des voies étroites trouvées en carrière.

Le principe de la voie étroite :

Les voies étroites sont des rails dont l'écartement est inférieur aux voies classiques utilisées pour les trains de voyageurs et de marchandises. L'objectif de Paul Decauville était de faire des voies légères afin de pouvoir les transférer facilement d'un endroit à l'autre. Dans une carrière souterraine, ces voies étroites étaient installées au niveau des voies de roulage, correspondant aux axes principaux souvent placés dans l'alignement des cavages. Au fur et à mesure que le front de taille était déplacé, on repositionnait les rails.

Ces voies étroites présentent de nombreux avantages techniques :

- Leur légèreté (4 kg/m linéaire) permet de les installer à deux hommes de façon très rapide. Les tests réalisés par la maison Decauville ont établis qu'il fallait 15 min. à quatre hommes pour déplacer 600 m de voie et pour les remonter 30 m plus loin.

- Les rails peuvent être posées directement sur le sol de la carrière sans ballaste. De plus, elles supportent des dénivelés de 2,5 à 3 m sans plier. Si on veut installer les rails à plus long terme, il est possible de les fixer au sol via des boulons placés dans les trous des traverses métaliques. Il faut au préalable décaisser le sol de seulement 5 cm.

- Leur assemblage est très simple et ne nécessitaient pas de technicien spécialisé. Tout d'abord, les rails et les traverses en métal ne forment qu'une seule pièce. D'autre part, deux rails s'assemblent via des extrémités complémentaires "mâle" et "femelle" s'emboîtant l'un dans l'autre. La jonction des deux morceaux est maintenue par une simple goupille transverse. Souvent les établissements Decauville ne faisaient que fournir un plan spécifique au lieu et les ouvriers de la carrière se chargeaient de l'assemblage.

- Elles supportent des charges allant jusqu'a 500 kg/essieux.

- L'entretient est relativement simple et une boîte à outils rudimentaire, destinée à l'entretient et aux réparations courantes, était livrée avec les rails. Ce kit de réparation contenait : une enclume portative, un bec d'âne, des clefs, une bouterolle, des pièces de rechanges de wagonnets.

 


Boite de réparation pour voies étroites proposée au catalogue Decauville

Installation rapide des voies de 60
Embouts "mâle" et "femelle" du catalogue Decauville

 

Le matériel pour voies étroites :

Plusieurs écartements de voies étroites ont été construites : les voies de 40 cm, 50 cm, 60 cm et de 1 m. En carrière, la voie de 60 est la plus utilisée. Les traverses sont la plupart du temps métaliques et moulées d'une seule pièce avec les rails. Parfois, on trouve également des traverses de voies étroites en bois.

Les voies courbes :

Afin de gérer les virages qui étaient souvent de très petit rayon de courbure, des portions de rails de 1,25 et 2,5 m furent construites. L'étroitesse des voies était un avantage pour ce type de virages. Différents modèles, de rayons de courbures variables furent étudiés selon les utilisations :

- des voies courbes de 8 m de courbure pour la traction avec des chevaux et les locomotives.

- des voies courbes de 6 m de courbure pour la traction par l'homme.

- des voies courbes de 2 à 4 m, pour des situations extrêmes qui nécessitaient un graissage important du rail extérieur.

Atelier de fabrication des voies étroites des usines Decauville
Fabrication de rails courbes

 

Voies étroites proposées au catalogue Decauville (doc vvlt)
 

Les plaques tournantes :

pour les intersections perpendiculaires de deux galeries de carrière souterraine, Paul Decauville fit mettre au point de petits plaques tournantes. Le principe est de faire passer le wagonnet d'une voie à l'autre, placée à la perpendiculaire, en le faisant tourner sur un plateau circulaire. Cette plaque tournante, d'un poids approximatif de 200 kg, est composée de deux plateaux superposés :

- Un premier plateau en tôle possède un pivot, les taquets d'arrêts (servant pour bloquer la plaque une fois alignée avec la voie), les départs de voies "mâles" et "femelles" et quatre fers demi-ronds servant de galets roulants.

- Un second plateau en fonte qui supporte le wagonnet et tourne sur le pivot du plateau en tôle situé en dessous. Il est muni d'un bouchon qui ferme le pivot et peut servir d'anneau pour le déplacer.

Modèles de plaques tournante Decauville (doc vvlt)
Plaque tournante en place dans la carrière à ciel ouvert de Montaiguillon

 


Plaque tournante en place - catalogue Petolat (vvlt)

Réseau de voies étroites à ciel ouvert avec deux plaques tournantes
 

Il existe également des dérailleurs tournants qui permettent de faire passer un wagonnet d'une voie principale à une voie secondaire. Les deux voies n'ont pas besoin d'être connectées. Ces dérailleurs sont composés d'une plaque en fonte fixée sur la voie principale, sur laquelle ce trouve deux rails avec des butées.

Etapes montrant l'utilisation d'un dérailleur trournant Petolat (doc vvlt)
Dérailleur tournant dans un réseau d'Arcueil (photo Chirikigi)
 
 

Les plans inclinés

Parfois la sortie de la carrière, souterraine ou à ciel ouvert, se faisait par une pente douce ou descendrie. Avec l'apparition du chemin de fer industriel, ces descenderies ont été équipées en matériel ferroviaire pour former des plans inclinés.

Plan incliné dans la carrière à ciel ouvert de Lessines
Plan incliné de la carrière Hennocque (Val-d'Oise)

Ces derniers étaient équipés :

- de voies étroites souvent permanentes et donc fixées au sol. Une fosse située à mi-pente permettait de récupérer les eaux de pluie ruisselant dans la pente.

- deux trucs porteurs qui correspondent à des plateformes roulantes avec un châssis en bois à l'horizontale muni de rails. Ils permettaient de compenser la pente et de faire monter les wagonnets à l'horizontale. Ils sont souvent couplés par deux afin que le wagonnet en descente serve de contrepoids à l'autre et qu'il permette un bon déroulement du câble. A mi pente, deux aiguillages spéciaux permettent le croisement

Maquette d'un " truc", de la carrière Tercé-Jardes, avec un wagonnet dessus
"Truc" avec un reste de wagonnet dans un plan incliné (Eures)
- d'un treuil servant à tracter les "trucs" accrochés à un câble. Ce câble était guidé au niveau du sol par des rouleaux en bois. Ce système est apparut au cours du 19ème s.. Au départ les trucs étaient tractés par des chevaux, puis des machines à vapeurs spécifiques. La vitesse de traction était relativement lente, environ du 1,8km.

Arrivée d'une descendrie, dont le cavage est visible, avec le bâtiment abritant le moteur du treuil.
Treuil à vapeur du catalogue anglais de williams'Perran fondry Co de 1870