title="chauffours carriere " alt="carriere chauffours" title="chauffours carriere " alt="carriere chauffours"

 

Carrière des Chauffours ou du Chauffour

Carrière de Calcaire - surface d'environ 4 hectares

Les Diaporamas
Il y a 93 ans ...--------------- Aujourd'hui
carriere chauffourscarriere chauffours

Origine du nom :

La toponymie de « Chauffours » indique l'emplacement d'un four à chaux. Cela signifierait qu'un ou plusieurs fours à chaux étaient présents au niveau du village voisin et étaient alimentés par le calcaire coquillé de la carrière des Chauffours. On trouve plusieurs orthographes pour cette carrière : le Chauffour, du Chauffour, du chaufour, des Chaufours.

 

Histoire de l'exploitation de la carrière :

Peu d'informations nous sont parvenues au sujet de l'exploitation de cette carrière. Elle aurait été exploitée dès le Moyen âge. La technique d'extraction est basée sur la méthode des piliers tournés irréguliers. Cependant une partie fut exploitée à ciel ouvert. Certaines parties du ciel de carrière ont été exploitées, créant des galeries partiellement éclairées. Cette particularité a marqué la physionomie du lieu.

Les traces laissées par les militaires français, lors de leur passage au cours de la Première Guerre mondiale, rendent le site remarquable. En effet, la carrière fut occupée de 1914 à 1917 par les poilus. Il y avait deux compagnies, dont le 72e régiment d'infanterie tirailleurs. Cette carrière était située à moins de 10 kilomètres du front de bataille, qui se trouvait au nord-est sur la butte du Plémont et dans la région de Lassigny. Néanmoins ce front était relativement calme, et la carrière a été occupée par des régiments complètement épuisés, de retour de Verdun ou de la Somme. Le sol de la forêt aux alentours garde les marques des combats proches. On distingue également les traces des tranchées partiellement rebouchées. Elles permettaient de ravitailler le cantonnement en matériel et nourriture en provenance du village voisin.

carriere chauffours

Carrière des chauffours servant de casernement aux militaires (archive Ramond)
Traces de l'ancienne tranchée située aux abords de la carrière
 

Après guerre, la carrière fut vidée de tous les matériaux réutilisables (moellons et madrier en bois) pour reconstruire le village voisin. A Pâques 1969, M. Cousin et son groupe d'éclaireurs de France, réalisent un chantier de nettoyage du site, de 10 jours. Ils défrichent une partie de la végétation qui a investi les lieux. Ils entreprennent également des fouilles et découvrent un grand nombre d'objets d'époque qui sont alors remis à un ancien commandant du village voisin, M. Roger Martin. Ce dernier voulait créer un petit musée sur les Chauffours qui n'a jamais vu le jour.

L'actuel propriétaire refuse de faire classer cette carrière, qui est aujourd'hui en train de se faire à nouveau envahir par la végétation forestière. A cela vient s'ajouter du vandalisme, le pillage de sculptures par des collectionneurs et l'action de l'érosion, qui effacent progressivement les traces de l'histoire du site. Mais cela n'empêche pas certains groupes de passionnés de travailler à la compréhension du site.

carriere chauffours

Carrière du chauffour laissée à l'abandon après guerre.
Les éclaireurs de France en plein travail en 1969. (coll. R. Martin)

 

'5

Les sculptures des poilus :

Cette carrière servait d'abris pour les soldats français. Ils y restèrent de longues journées à attendre les ordres d'attaques et à se reposer. Pour occuper leur temps, certains d'entre eux réalisèrent des sculptures ou lapidaires. Elles se situent essentiellement dans les zones où parvient la lumière naturelle. Les thèmes abordés par ces sculptures sont essentiellement, les femmes qui devaient manquer à ces soldats, la religion qui leur permettait de tenir face aux horreurs des combats, et la guerre qui était leur quotidien. Certaines sculptures furent commandées directement par les officiers. On trouve également des réalisations qui ne s'inscrivent pas dans ces thèmes, comme l'énorme tête de sphinx qui surveille l'entrée. La qualité de certaines de ces oeuvres s'explique par le fait qu'au sein de cette division militaire, se trouvaient de véritables artistes. Suite à un travail d'inventaire mené par Françoise Lidonne, 82 sculptures et graffitis ont été répertoriés et cartographiés. De nombreuses représentations humaines ont eu leur visage et leurs mains détruites. Voici l'inventaire des sculptures (de F. Lidonne).

Cadars sculptant la tête de sphinx (archive Ramond)
Le sphinx de nos jours, situé à l'entrée de la carrière. Les reliefs ont été érodés par la pluie et le nez a été cassé.
Cette sculpture est sans doute la plus impressionnante du site et symbolise le gardien des lieux. Elle est l'oeuvre du cavalier à pied de la classe 14, dénommé Cadars. Il arrive au Chauffour à l'automne 1915, avec le détachement du 6ème dragon (groupe léger de la première division de cavalerie). Cadars est un étudiant de l'école des Beaux-Arts de Bordeaux. Il est appelé sous le drapeau dès août 1914. Il est âgé de 19 ans lorsqu'il arrive au Chauffour. C'est aussi l'auteur d'une très belle sculpture de cavalier qui représente sans doute un cuirassier officier ayant occupé la carrière en 1915.
carrieres chauffours
carriere chauffours
Cadars posant devant la sculpture en 1915.
La sculpture sans doute vers 1917.(coll. R. Martin)
La sculpture de nos jours dont le visage et les mains du cavalier ont été détruites
M. Leclabart posant devant son travail inachevé et entouré de son échafaudage. (coll. E. Leclabart)
La sculpture lorsqu'elle était encore intacte. (coll. E. Leclabart)
Aujourd'hui la sculpture est marquée par la pluie et le vandalisme répété.
La carrière abrite également une magnifique représentation de Jeanne d'arc reconnaissable à son armure, son glaive et la croix de Lorraine située en dessous. Initialement un message était gravé en dessous "Nous les chasserons hors de France". Malheureusement ce dernier, la croix de Lorraine, le blason et le visage de Jeanne d'arc ont été vandalisés. Cette oeuvre a été réalisée par Henri Louis Leclabart arrivé au Chauffour en 1916. Il est alors âgé de 40 ans. C'était un sculpteur originaire d'Amiens. Il était caporal dans 12ème R.I.T - 1er bataillon - service médical.ttCe sculpteur a également réalisé une fontaine imaginaire ornée d'un bacchus grimaçant.
M. Leclabart devant la fontaine en cours de réalisation en 1916. (coll. E. Leclabart)
La fontaine prise le 11 septembe 1916. (Merimée)
Aujourd'hui, la fontaine est également endommagée.
carriere oise chauffour
Femme dans un médaillon sculptée en 1916 par Bucher, Légionnaire de la 5ème Cie
- Prise le 11 septembre 1916 - (Merimée)
La sculpture aujourd'hui.
 
carriere oise chauffour
Les Parisiennes avec l'épitaphe : "zut, voilà qu'il pleut" signé de Charnais.

 

 

Le quartier des officiers :

La carrière hébergeait aussi des officiers et sous-officiers. Ils se firent construire des appartements. La présence d'un quartier d'officiers dans la carrière montre que le site était calme. Au début de l'année 1915, la compagnie du 72e R.I.T. commence à aménager la carrière. Ces logements furent réalisés en pierres de tailles soigneusement appareillées au niveau des fenêtres et des portes. Ils étaient organisés sur deux niveaux. Des escaliers, des planchés et des balcons en bois furent aménagés. Les formes des fronts de tailles ont été utilisées à la manière des maisons troglodytes. Les chambres étaient aménagées de façon cossue avec des meubles « récupérés » dans les villages avoisinants.

Ces logements hébergeaient également le poste de commandement (sans doute équipé de courant), une infirmerie permettant de dispenser les premiers soins, la salle de répétition de l'orchestre, les cuisines et le poste de télécommunication.

Les simples soldats étaient installés de façon beaucoup plus sommaire sur des paillasses de jonc à même le sol et devaient accrocher leur nourriture par des fils de fer au plafond, pour éviter qu'elle soit dévorée par les rats.

Les logements officers pendant la guerre, avec la cours centrale à gauche (Merimée)
Photo montrant des logements d'officiers dans une autre carrière de l'Aisne
 
Après la guerre, les habitants du village voisin vinrent récupérer un maximum de matériaux, notamment les pierres de tailles et les boiseries. Aujourd'hui, on peut voir les ruines de ce quartier des officiers situées autour d'une cour centrale. À l'intérieur des logements, on trouve des étagères et des cheminées creusées dans la masse. Les conduits d'évacuation de la fumée des cheminées sont creusés à même la roche et fermés par des plaques de tôle. Notons la présence d'un bel escalier taillé dans la masse.
plan carrieres chauffour chauffours
Plan de la cour intérieur avec les logements des officiers situés tout autour (Plan réalisé par F. Lidonne)
 
carriere chauffourscarriere chauffours
carriere chauffours
Restes de logements d'officiers au sud de la cour -- ancienne cheminée d'une chambre
Photo montrant des logements d'officiers dans une autre carrière de l'Aisne

 

 

Les autres aménagements de la carrière :

Cette cours centrale était balayée régulièrement, car elle hébergeait de nombreuses activités. Un terre-plein, dont les restes sont encore visibles, servait de place pour le levé de drapeau, le théâtre en plein air, et de lieu pour la remise de citations et de décorations diverses.

Cours centrale avec le linge qui sèche - prise le 11 /09/1916 (Mérimée)
Fond de la cours centrale avec la plateforme à gauche. (archive Ramond)
 
Depuis cette cours, un escalier en bois étayé de pierres de tailles permettait de rejoindre la forêt située au dessus du ciel de carrière. Les plus hauts hêtres avaient été aménagés avec des plateformes, afin de servir de tours d'observations. Le plus haut était muni d'une échelle à 120 échelons et permettait de voir arriver l'ennemi. Ces arbres furent repérés par l'ennemi et détruit au cours de la guerre.
carriere chauffours
Aujourd'hui, il ne subsiste que les encoches dans la pierre, qui permettaient d'emboîter les marches en bois de l'escalier. Dans la partie du haut, les marches sont taillées directement dans la pierre et sont donc encore visibles.
L'escalier au moment de la première guerre mondiale
L'escalier avec ses marches en bois et son assise en pierres de tailles.(coll. R. Martin)

 

carriere chauffour
Les quelques traces subsistantes de cet escalier.
Le fameux hêtre équipé de son échelle et d'une plate-forme (coll. R. Martin)
 
On peut noter également la présence de curieux « sillons » situés uniquement en haut des fronts de tailles à ciel ouvert. À mon avis, ces marques ne sont nullement liées à l'extraction de la pierre, mais seraient contemporaines de l'occupation militaire. Je pense que ces sillons permettaient d'encastrer des branches afin d'aménager un toit servant d'abrit et de camouflage. La photo ci-dessous, dont la localisation reste inconnue, illustre cette hypothèse et pourrait être au Chauffour !
carriere chauffours
carriere chaufours
Carrière non identifiée où l'on voit le système de toiture
Sillon bien visible en haut des parois dans la carrière des Chauffours

 

Au niveau de l'entrée principale de la carrière se trouve un lavabo, indiqué par un graffiti. Il était alimenté par deux réservoirs d'eau en béton et actuellement vides. Visiblement, ce lavabo était destiné à tous les militaires et servait sans doute aussi pour l'eau de boisson. Cependant cette réserve d'eau ne suffisait pas aux besoins des soldats, qui devaient aller en puiser à la source de "la fontaine aux loups". Les allemands venaient également y prendre de l'eau et sur les lieux un silence absoluétait respecté.
carriere chauffours
carriere chauffours
Organisation des deux résevoirs d'eau
Le lavabo avec la rigole, qui amenait l'eau en provenance des réservoirs

 

Une chapelle souterraine a été aménagée afin de prononcer la messe et les obsèques des hommes morts au front. La messe était officiée tous les dimanches par le père Bargeon. Aumônier militaire, il venait également aux Chauffours pour réconforter les soldats. Cette chapelle abrite un autel surmonté de deux petites niches qui devaient abriter des statuettes de Saints. À gauche de l'autel, un reposoir servait de support à une statue aujourd'hui disparue ! Ce type d'autel souterrain n'est pas unique en Picardie et servait également à célébrer les fêtes religieuses, comme Noël ou Pâques. À coté de l'autel se trouve un tableau avec les soldats tués aux champs d'honneur.

chapelle chauffours
autel souterrain carriere chauffours
Autel de la carrière des Chauffours.
Plaques gravées avec les noms des soldats morts au "Champ d'Honneur"
 

Certains d'entres eux furent enterrés dans un cimetière situé au Chauffour. Malheureusement, il ne reste quasiment rien de cet important ciemtière. Après la guerre, la majorité des morts, et leurs stèles, furent transférés dans d'autres cimetières militaires. Les quelques stèles gravées qui restèrent sur place furent pillées au cours des années 90, par des collectionneurs.

Malgré la proximité de la ligne de front, il n'y eu qu'une seule attaque frontale dirigée sur les chauffours. La carrière fut donc un lieu de repos pour les soldats revenant du front. Une infirmerie permettait d'y prodiguer les premiers soins. Par contre, le fait que la carrière ait servit d'hôpital de campagne reste incertain.

Le cimetière de la carrière des Chauffours en 1916. (Mérimée)
Tombe du cimetière des Chauffours en 1916. (Mérimée)

 

Ces informations s'appuient en partie sur le travail de M. Ramond