Carrières ou grottes de Caumont

Carrières de Craie - surfaces d'environ 10 hectares

 

 

 
Le Diaporama
carrière de Caumont

Origine du nom :

Caumont provient du latin "Calidus Mons" ou "Mont Chaud" du fait de ses carrières exploitées à ciel ouvert qui conféraient alors une allure dénudée au sommet des falaises, devenu le "Mont Chauve". Ces carrières sont également appelées "grottes" car l'exploitation souterraine de la pierre à mis à jour des réseaux naturels karstiques.

 

L'exploitation de la craie :

La pierre de Caumont est un calcaire à grains fins qui s'est déposé au crétacé supérieur. Ce calcaire fait partie d'un ensemble de falaises qui s'étendent de Mantes jusqu'à Etretat. Ce calcaire correspond à de la craie blanche à silex. Le silex se présente sous forme de bancs de rognons ou de couches fines continues appelées localement "larmiers".

Les falaises de craie surplombant la Seine au niveau de La Bouille et de Caumont.
Falaise de craie de Caumont vue depuis les carrières.
 
Cette craie est ordinairement tendre mais à Caumont elle contient des bancs plus durs, bien visibles avec l'érosion différentielle, et situés à 10 m au-dessus du niveau de la Seine. Ces bancs sont constitués de craie recristallisée, trois fois plus résistante que les autres pierres et non gélive. Elle est presque totalement formée de carbonates de calcium à peu près purs (C'est à dire très peu d'argile). Ce sont ces derniers qui étaient extraits par les carriers. Sa couleur très blanche et sa résistance exceptionnelle lui value la dénomination de "Pierre blanche de Caumont". Cette roche fut utilisée pour les parties sculptées des monuments ainsi que les sous bassements des édifices..

carrières souterraines Caumont

Bancs de craie recristallisée s'étant érodés moins vite que le reste.
(photo F. Bayeux)
Pilier tourné laissé par les carriers sur lequel les bancs de silex sont visibles. La ligne noire du haut correspond au "larmier".
 

L'exploitation de la Pierre de Caumont a débuté à l'époque Gallo-romaine. Certaines constructions exhumées en forêt de la Londe témoignent de cette utilisation. Les romains tiraient la pierre en suivant les failles et les fractures naturelles de la falaise de Caumont. Les chantiers d'extraction étaient donc à ciel ouvert. A partir du 14ème siècle, l'extraction se poursuivit en souterrain. Les carriers extrayaient à la lance par sapes de contournement et défermage en tiroir.

A l'époque contemporaine, les fronts de taille prirent la forme de gradins d'où les carriers extrayaient des blocs de 3 à 4 m de long. Ils aménagèrent des sentiers en pentes afin de glisser les blocs jusqu'à la Seine. La pierre blanche de Caumont était exportée essentiellement par la Seine sur des Gribanes à voiles, situées au port aux pierres de Seine. Ces bateaux, spécifiques du bassin de la Seine, mesuraient 22 m de long et embarquaient directement les blocs sur leur pont simplifiant leur chargement. Cette exploitation des carrières de Caumont, entièrement manuelle, s'est poursuivie jusque vers 1914 et a laissé des vides dont la hauteur atteint par endroit 14 m.

carrières souterraines Vernon

Extraction de la craie via la méthode des tiroirs vers 1900 (Vernon)
Transport de la pierre par cariolles à chevaux vers le bord de Seine.
 
port aux pierres Caumont

port gribane pierres vernon

Port aux pierres de Caumont avec une Gribane accostée.
Gribane en train d'être chargée de pierres calcaires (Vernon)
 

La pierre Blanche de Caumont était réputée pour sa qualité (blancheur, finesse et résistance). A part son utilisation locale, elle servit pour la construction de nombreux édifices religieux (Cathédrale de Rouen et de Chartres, Notre-Dame du Havre, l’Abbaye de Jumièges, l'Abbaye Saint-Georges de Boscherville, églises gothiques parisiennes). Ce calcaire fut exporté jusqu'à Londres. Progressivement, les meilleurs bancs ayant été utilisés, la pierre de moindre qualité fut vendue pour l'endiguement de la Seine avec l'utilisation des gribanes.

Remarque : Les rognons de silex furent utilisés dans la construction de murs d'habitation et de murets. Les "larmiers" de silex étaient plaçés en haut des murets afin de limiter l'érosion liée à la pluie.

 

 

L'usine allemande de production d'oxygène liquide pour V2 :

 

Au cours de la Seconde Guerre mondiale, l'armée allemande développa une fusée à longue portée nommée A4. Cette fusée avait une portée de 300 km, pour une précision de 8 km. Le propulseur qui l'annime fonctionne à l'alcool avec de l’oxygène liquide comme comburant. Suite aux premières défaites allemandes, Hitler amorce le 22 décembre 1942 le programme de production industrielle de la fusée A4, qui est alors renommée V2. Ce nom est l’abréviation de "Vergeltungsawaffe 2", ce qui signifie : "Arme de représailles N°2". Le choix de cette arme, plutôt qu’une autre, vient du fait que la fusée ne pouvait être contrée par aucune autre. De plus, elle peut être tirée à partir de sites de lancement mobile et donc difficilement repérable. L'objectif était de bombarder Londres et d'empêcher le débarquement alliés en Normandie, mais elle fut opérationnelle trop tard.

L’organisation Todt prend en charge ce plan de construction d’ouvrages bétonnés spéciaux ("Sonderbauten") destinés à produire les fusées. Il fut décidé de créer 3 types d’ouvrages: des usines d’assemblage, des usines de production de l’O2 liquide et des sites de stockage (voir Carrière Hennocque). Les carrières de Caumont furent intégrées à ce programme, sous le nom de code "Steinkohle N° 1301", afin d'y installer une usine souterraine de production d'oxygène liquide destinée aux moteurs des fusées A4-V2. Cette usine ne fut jamais fonctionnelle et le projet fut abandonné en juillet 1944 sur l'avance des alliés.

 

Les allemands prirent possession des carrières ainsi que du Bas-Caumont où les habitants furent évacués en janvier 1943. L'organisation TODT débuta par d'importants travaux de terrassement afin d'installer une voie de chemin de fer destinée à apporter les matériaux de construction. Cette portion de voie fut raccordée au réseau ferré de Grand Couronne. Les péniches apportèrent également des matériaux pour la confection du ballaste de voie.Cette voie férrée aurait également permis le transport par wagon citerne de l'oxygène liquide ou A-Stoff puis des citernes routières tractées par des camions sur les sites de tir des V2.

Le site fut sécurisé via la mise en place de batteries antiaériennes dans la forêt située au dessus des carrières.

Travaux de terrassement de la voie ferrée entre les falaises calcaire et la Seine. (archive F. Bayeux)
 

Lors des travaux de construction de l'usine souterraine, fut employé des explosifs afin de gagner du temps, il y eu de nombreux éboulements fragilisant le site. La TODT chargée des travaux édifia un bunker de 300 m de long et de 20.000 t de béton. Les travaux furent menés par 600 ouviers composés d'allemands ainsi que de requis français et nord africains. Des entreprises locales contribuèrent à fournir la main-d'oeuvre et du bois pour la confection des coffrages à béton . (Voir site spécifique de Francois Bayeux http://usinedecaumont27.free.fr)

carriere usine souterraine caumont V2

Plan détaillé de l'usine d'oxygène liquide souterraine de Caumont de 300 m de longueur.
 
usine oxygène souterraine caumont V2
Vue de l'usine bunker à l'intérieur de la carrière.
Début de l'usine où le plafond retient aujourd'hui plus d'un mètre d'éboulis.
 

L'usine fut agencée pour permettre de disposer de toutes les conditions nécessaires à la fabrication d'oxygène liquide à partir de l'air ambiant :

- Des tours d'air, en parpaing, furent construites à l'extérieur de la carrière. De gros tuyaux d'acier amenaient l'air vers des ventilateurs et des filtres pour alimenter les compresseurs.

- Un compresseur à air couplé à un liquéfacteur. Un compresseur d'air couplé à un liquéfacteur. La fabrication de l'oxygène liquide devait se faire en utilisant un principe de physique: abaisser la pression d'un gaz abaisse aussi sa température. La pression de l'air ambiant n'étant pas diminuable, on doit passer par une phase de compression. Pour celà, il était prévu d'utiliser un compresseur à 5 étages portant l'air à la pression de 200 bars. Comme l'augmentation de la pression d'un gaz provoque un dégagement de chaleur, on doit utiliser des échangeurs thermiques entre les étages pour refroidir l'air. Un moto-détendeur devait ensuite réaliser l'opération de décompression (passage de 200 à 1,5bar) provoquant le refroidissement et le passage à l'état liquide. A cet instant, l'oxygène est plus dense que l'azote et on peut l'isoler. Chaque unité de compression devait produire 540 kg d'O2 liquide par heure, soit 13 tonnes par jour.

usine caumont V2
Salle du compresseur avec des fondations béton à la mesure du matériel massif qui n'a pas été totalement installé.
Modèle de compresseur, de type Heylandt, similaire à celui de Caumont.
(Archive F. Bayeux)
 
Restes de l'insertion des colonnes du liquéfacteur à oxygène. La fosse est actuellement envahie par des eaux d'infiltration.
Liquéfacteur à oxygène avec la colonne de refroidissement et de condensation, de l'usine allemande de Wittring 1946. (Archive F. Bayeux)
 

- Une centrale électrique destinée à alimenter le moteur électrique de chaque compresseurs. Elle aurait dû accueillir un moto-alternateur diesel 6 cylindres et une génératrice de 6600 volts. Elle est placée proche du cavage afin de faciliter son exploitation. Cette zone a subi un effondrement en mars 1999.

Centrale électrique ayant subit un éboulement en mars 1999. Des blocs sont tombés du ciel de carrière via les zones non renforcées de béton.
Moto-alternateur similaire à celui qui aurait dû être installé à Caumont
(Archive F. Bayeux)
 

- Un puits à eau, destiné à refroidir le compresseur et la centrale électrique, et protégé par un bunker. Il devait être alimenté par 700 m de tuyaux le reliant à la Seine mais leur pose ne fut jamais terminée. Dans l'usine, cette eau aurait dû être distribuée par des tuyauteries passant dans des galeries techniques en béton (qui elles sont visibles).

- Un puits d'évacuation de l'azote inutile, extrait lors de la liquéfaction, d'une hauteur de 50 m. Ce puits débouchait dans le Bois de Mauny et fut comblé après la guerre.

- Une zone de stockage de l'oxygène liquide. Il était stocké dans des réservoirs de 50 m3 en alliage de cuivre sous pression de 1,5 atmosphère isolés par de la laine minérale d'un mètre d'épaisseur. Cependant, il y avait des fuites de 1% par heure qu'une unité de recompression récupérait dans deux gazomètres flottants.

- Une salle de contrôle de l'usine souterraine organisée sur deux étages.

carriere souterraine cuamont V2
Galeries techniques en béton prévues pour accueillir les tuyauteries de l'usine.
Salle de contrôle de l'usine, partiellement détruite.
 
Cet oxygène liquide devait être ensuite acheminée sur les zones de lancement. La plus proche était dans le bois de "La maison brûlée" et sur le plateau boisé située au-dessus des carrières. Le transport se faisait dans des citernes tractées par des camions.
oxygène liquide fusée V2
Transfert de l'O2 liquide d'un réservoir vers la citerne tractée par un camion. (v2rocket.com)
Fusée V2 sur sa rampe et une citerne d'O2 liquide.
(André Rogerie)

 

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La culture anecdotique du champignon :

Les carrières de Caumont forment des vides tellement énormes qu'elles semblent à premières vue peu appropriées à la culture du champignon. En effet, les champignonnières nécessitent une température relativement constante de 12°C. Pourtant, un champignonniste s'est lancé dans la culture du champignon de Paris dans les carrières de Caumont.

M. Bruno Lepec créa une entreprise de production de champignons qui fut prospère seulement trois années, entre 1963 et 1966. Comme les volumes étaient trop importants, il eu l'idée de cultiver les champignons dans des tunnels en bâche plastique. La culture se faisait dans des clayettes en bois empilées. Le fumier de cheval, qui entrait dans la composition du compost, provenait des écuries du Génétey à Canteleu et du champ de courses de Rouen. Il était préparé dehors puis stérilisé dans une chambre en parpaings situé dans la carrière.

carrière champignonnière Caumont

Le camion de fumier de cheval à l'entrée de la champignonnière
Les serres tunnels en film plastique de polyane contenant les clayettes en bois.
 

Il ne reste de cette champignonnière que peu de traces. L'ancien cavage d'accès possède toujours sont murage en parpaings. On peut également y voir le stérilisateur de composte et des restes de gaines de ventilation.

carrière champignonnière Caumont

Serres en plastique contenant les champignons avec le cavage en arrière plan.
Le même cavage aujourd'hui avec l'espace vide qu'occupait la champignonnière.

 

Je tiens à remercier spécialement François Bayeux qui m'a aidé à réaliser cette page. Je vous convie pour plus d'explications à consulter son remarquable site sur l'usine souterraine de Caumont : http://usinedecaumont27.free.fr