Plaine de Montesson

La plaine de Montesson est une unitée paysagère qui s'étend sur les communes de Carrières-sur-Seine, Montesson et Houilles. La calcaire du Lutécien présent dans le sous-sol fût exploité pendant de nombeuses années et largement exporté. Après l'industri de la pierre à bâtir, les champignonnières investirent cette plaine. Aujourd'hui, urbanisation galopante et l'extension du réseau routier menacent plusieurs carrières de ce secteur.

La géomorphologie de la plaine de Montesson:

La plaine de Montesson peut être identifiées comme une unité géomorphologique dépassant largement les limites communales de la ville de Montesson proprement dite. C'est une plaine alluviale fertile, délimitée par une des boucles de la Seine située à l'Ouest de Paris. Elle s'étale sur les communes de Carrières-sur-Seine, Montesson et Houilles. Cette plaine peut également être qualifiée de terrasse alluviale, dont le rebord sud forme un coteau calcaire surplombant la rive gauche de la Seine.

Le sous-sol est constitué de calcaire du Lutécien, typique du bassin parisien et tirant son nom de Lutèce. Il s'est déposé au cours d'une période géologique (Eocène) lors de laquelle le Bassin de Paris était recouvert par la mer. Cette masse calcaire a une hauteur d'environ 20 m et affleure au niveau des coteaux de Seine. Dans la plaine, il est recouvert de marnes et de caillasses d'une épaisseur allant de 1 à 10 m. Ce faible recouvrement s'explique par une érosion importante favorisée par un bombement situé au centre de la plaine.

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Coupe géologique de la plaine de Montesson, au niveau de Carrières-sur-Seine (doc. PICAR) 

 

Ce calcaire est de couleur grisâtre ou jaunâtre, il possède une texture formée de grains fins et réguliers. Il contient quelques fossiles, comme les Cérithes, permettant de le qualifier de légérement coquiller. C'est un calcaire tendre car sa résistance à l'écrasement est de 1460 kg/m3 et sa densité est de 1460 kg/m3.

 

 

L'exploitation des carrières de la plaine de Montesson :

Toponymie des lieux :

L'affleurement du calcaire au niveau des coteaux et son faible recouvrement dans la plaine favorisera son exploitation intensive durant plus d'un siècle. Ce passé industriel de la pierre est rappelé dans le nom même de la commune de Carrières-sur-Seine, anciennement Carrières-Saint-Denis. Cette éthymologie est à associée aux nombreuses habitations troglodytes qui composait la ville à l'époque où elle n'était encore qu'un village de pêcheurs surplombant la Seine. D'autre part, le blason de la commune arbore trois "marteaux têtu", qui correspondent à des masses employées par les carriers pour extraire le calcaire.

maison troglodyte carrières-sur-seine
 Maison troglodyte à Carrières-sur-Seine
Habitation troglodyte - Blason de Carrières-sur-Seine
 

Fluctuation de la production :

- Avant 1137, L'extraction de la pierre se fait dans un premier temps de façon artisanale afin de couvrir les besoins locaux en matériaux de construction. Ces pierres étaient extraites à ciel ouvert au niveau des coteaux de Seine. Quand les exploitations passaient en souterrain, c'était uniquement sur quelques mètres. Ces vides ont donné naissance à des habitations trogolodytes comme celles encore visibles à Carrières-sur-Seine. Une charte de 1137 de l'abbé Suger stipule que les revenus de la terre du village, dont le calcaire, sont liés à la trésorerie de l'Abbaye Saint-Denis. Vers 1140, le calcaire du rebord de la plaine est exporté, afin d'entrér dans l'édification de la basilique Saint-Denis. A partir de 1226 la pierre est utilisée également pour construire l'église de Carrières-sur-Seine et certains édifices locaux en pierres de taille.

- Après une période où l'exploitation de la pierre est délaisée au profit de la viticulture, la demande en matériaux de construction au cours du 19ème siècle va relancer cette industrie. En 1811, on dénombre 29 carrières dans le secteur de la plaine de Montesson. Ce sont essentiellement des entreprises familiales couvrant des besoins locaux. A la fin du 19e s., la pierre de la plaine de Montesson est exportée massivement pour le réaménagement de Paris par Haussmann, ainsi que la pour la construction des églises de Sartrouville, d'Argenteuil, des ouvrages du chemin de fer de la ligne de Paris-Rouen et le Sacrée-Coeur. L'extraction de la pierre du secteur devient industrielle et la profession de carrier se developpe fortement. A titre d'exemple sur la commune de Carrières-sur-Seine, on passe :

- en 1817 : Aucun carriere
- en 1830 : 10 carriers
- en 1844 : 20 carriers répartis dans 7 carrières
- en 1851 : 38 carriers dont 8 maîtres d'oeuvre possédant chacun une carrière

- Suite à cette période faste, la production de la pierre s'arrête brusquement en moins de 20 ans (entre 1920 et 1940 environ). Cette crise s'explique par la généralisation du béton sur le marché du bâtiment.

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 Puit d'extraction de la carrière Sarazin (Carrières-sur-Seine)
Convoi de pierres des carrières Sarazin - 1895 (Coll. Sarazin)

Méthodes d'exploitation :

Les méthodes d'extraction de la pierre connaissent le même type d'évolution que dans le reste de l'Ile-de-France. Au départ, se mettent en place des carrières à ciel ouvert, comme la "carrière des terrasses" qui était située au niveau du coteaux de Carrières-sur-Seine. Progressivement les exploitations passent en souterrain :

- Le long des coteaux de Seine l'accès se fait par cavage et l'exploitation par hagues et bourrages. Cette méthode de consolidation, relativement fiable, est choisie car de nombreuses habitations sont situées au dessus. La hauteur d'exploitation dépasse rarement 2,5 m, car la masse calcaire est peu épaisse.

- Dans la partie centrale de la plaine de Montesson, les accès se font par puits. Auparavant, ces puits étaient surmontés de treuils qui ponctuaient le paysage de la plaine. Les vides sont organisés sur le modèle des piliers tournés réguliers, espacés de 4 à 5 m les uns des autres. Les hauteurs d'exploitation sont plus élevées et peuvent atteindre 8 m, car on se trouve dans la zone où la masse calcaire est la plus puissante.

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Carrière à ciel ouvert dite "des Terrasses" (Carrières-sur-Seine)
Treuil abandonné de la carrière Daubin.
 
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carrières champignonnières souterraines montesson Carrières-sur-Seine Houilles
Puits d'extraction des carrières Sarazin - plaine de Montesson (Coll. Sarazin)
Extraction à la haveuse à Montesson (doc M. sarazin).
 

Les carriers distinguent plusieurs bancs au sein du calcaire Lutécien. Les bancs correspondent à des discontinuitées naturelles qui se traduisent par des changements de fasciès du calcaire. Le "liais" était le banc le plus recherché par les sculpteurs et faisait la réputation de la zone de Montesson. Il était connu sous le nom de "pierre de Houilles". Dans la région, les carriers avaient donné les noms locaux suivant aux 7 bancs exploitables :

- "Banc blanc" (1 à 1,4 m)
- "Banc sorcier" (0,5 à 0,6 m) qui correspond à la couche de souchevage
- "Bancs grognards" (0,8 à 0,9 m)
- "Banc jaune" (0,8 à 1,2 m)
- "Banc de fond" (0,8 à 1 m) appelé "Liais" en IDF

 

 

La culture secondaire du champignon :

Dés qu'une zone de carrière était abandonnée, les vides étaient systématiquement réutilisés pour la culture des champignons de Paris. Souvent les champignonnistes travaillaient dans des carrières encore en activité. Dans un premier temps, les propriètaires étaient des personnes natives de la région. A titre d'exemple, en 1909 sur la seule commune de Carrières-sur-Seine, il n'y avait pas moins de 7 champignonnistes (Charles Eragnes, Désiré Eragnes-Réuss, Daubin, Ballagni, Voillereau, Bourguignons frères.

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carrières champignonnières souterraines montesson Carrières-sur-Seine Houilles
Groupe de champignonnistes à l'entrée de la "carrière des Alouettes".
Groupe de champignonnistes avec des caisses en bois de champignons. (Montesson)
 
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(carrières champignonnières souterraines montesson Carrières-sur-Seine Houilles
Champignonnières en meules à Carrières-sur-Seine
Meules de champignons à Carrières-Saint-Denis.
 
Dans la plaine de Montesson, la profession était organisée sous forme d'un "Syndicat des ouvriers champignonnistes et similaires" (cultivateurs et maraîchers) crée en 1891 et situé au 50, grande rue à Carrières-sur-Seine. En 1909, une grève de 15 jours (16 septembre au 1er octobre) demande une meilleure protection des ouvriers et des charettiers de fumier pour champignons. La grève touche également le département de Seine-et-Oise et le mouvement se durcit, avec l'envoi de 26 gendarmes à Carrières-sur-Seine. Le 1er octobre, une solution est trouvée puisqu’un contrat est signé entre le syndicat et les patrons. Il fixe la durée journalière du travail à 10 heures, les salaires horaires de 0,60 Fr à 0,65 Fr et 1 Fr pour les heures supplémentaires, le repos hebdomadaire le dimanche, le régime des accidents du travail sous l’égide de la loi de 1898 - 1905, les possibilités d’acomptes pour les ouvriers et la suppression de la profession de marchandeur .
Grève des champignonnistes en 1909 à Carrières-sur-Seine. (doc PICAR)
Papier entête du syndicat des champignonnistes (doc. PICAR)
 
Vers 1918, il n'y avait pas assez de main d'oeuvre locale: on fit venir des italiens qui se fixèrent à Montesson. Par la suite, ces ouvriers vont reprendre les champignonnières à leur propre compte. La famille Spinelli fut responsable de nombreuses carrières du secteur. Cette production était tellement importante culturellement, que chaque année avait lieu "la fête du champignon". La ville de Carrière-sur-Seine organisait un défilé de chars avec des champignons géants.
fête du champignon Carrières-sur-Seine
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Char lors de la fëte du champignon à Carrières-sur-Seine
Banderole de la fête du champignon
 
(
Char lors de la fëte du champignon à Carrières-sur-Seine
La fëte du champignon à Carrières-sur-Seine
 

Dans les années 80, la concurrence des pays de l'Est a eu raison de la majorité des champignonnières de la plaine de Montesson. Aujourd'hui, il ne subsiste que deux champignonnières dans le secteur :

- La "champignonnière des Alouettes" de M. Spinelli. Cette Elle Cette entreprise fut crée à la fin des années 50 par son grand père qui était ouvrier champignonniste à Méry-sur-Oise. Aujourd'hui elle emploie 8 personnes toute l'année pour une surface de 1,5 hectares organisé en 10 caves.

- La champignnonière, "les carrières" de M. Angel Moioli. Elle fut créée par son grand père en 1960 et il en est le propriètaire depuis 1994. Elle a également une surface de 1,5 hectares. Il écoule sa production via les halles de Rungis et en vente directe.

Film sur la culture du champignon à Carrières-sur-Seine, dans les années 50.

 

 

La présence militaire dans les carrières de la plaine :

En 1939, 35 hectares des carrières, situées au lieu-dit "Les Alouettes", furent aménagés par le ministère de l’air afin de recevoir les usines aéronautiques Hispano-suiza. En mai 1941, un contingent du génie maritime allemand (la Kriegsmarine)réquisitionne ces carrières. Elle utilise des ouvriers français pour la réalisation des consolidations et le percemment des puits d’aération, sur plus de 25 hectares. Le 8 décembre 1942, 8 ouvriers trouvent la mort suite à un effondrement. Transformées en arsenal militaire (le "torpédoarsenal"), les allemands y construisirent des torpilles sous-marines et les premiers V2. Les munitions étaient exportés facilement sur le front, grace à la ligne de chemin de fer allant vers Rouen.

Le 25 août 1944, les troupes d’occupation quittent l’arsenal et piège la carrières. Malgrès le sabotage du système de mise à feu, une porte métallique de plusieurs tonnes est projetée à plus de 700 m. Jusqu’en septembre 1944, les F.F.I. s’installent dans ces carrières. A partir du 1er juin 1946, la Marine Nationale occupe l’arsenal et réquisitionne 22 ha de terrains. Cette base souterraine devient, en 1948, le Centre du Commandant Millé, accueillant le centre de commandement des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (force océanique stratégique). Ce service est remplacé en 2000, par le service des systèmes d'information de la marine nationale (SERSIM) et un peloton de la gendarmerie maritime. Les boucliers protégeants les puits d'aération sont bien visible en vue aérienne.

base souterraine arsenal carrières-sur-seine
Carrière occupée par les allemands.
Vue aèrienne de la base souterraine de l'Arsenal. (Google earth)

 

 

Des carrières grignottées par les routes :

A l'origine la plaine de Montesson était ponctuée de cheminées d'aération en pierres sèches et de culture maraîchère. Mais progressivement, l'abandon de certaines parcelles cultivées a laissé la place à des friches où les arbustes cammouflent les restes des cheminés et de s"formes" des treuils.

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Cheminée d'aération - 1982 ( photo R. Chardon)
 
Cheminée d'aération - 1992 ( photo Pouach)
Vue aérienne de la plaine enfrichée avec les cheminées d'aération.
 
En parallèle, elles ont été fortement endommagées lors de la construction de l'autoroute A14, en 1994. Certaines carrières ont été littérallement coupées en deux. La champignonnière des frères Spinelli a été durement touchée et un procés fut attenté contre la socièté d'autoroute. En 2007, un nouveau projet de contournement des villes de Montesson et de Carrières-sur-Seine a été validé. Cette infrastructure routière va empiétter à nouveau sur les carrières souterraines. Les travaux devraient commencer courant 2009.
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Cavage de la champignonnière Spinelli avant l'A14 - 1983 ( R. Chardon)
Même endroit lors des travaux de l'A14 - 1992 (photo Pouach)
 
Liens vers les carrières visitées de la plaine de Montesson
Diaporama des anciennes cartes postales des carrières de la plaine de Montesson