Massif de l'Hautil

Nombreuses Carrières de Gypse - 200 hectares de vides souterrains

Le massif de L'Hautil est un véritable gruyère. Ce dernier est en effet truffé de carrière de gypse que le temps et l'érosion sont en train de faire disparaitre doucement mais surement. Voici quelques lignes retraçant les grandes lignes de l'histoire de ce massif et de son industrie du plâtre.

La géologie du massif gypseux de l'Hautil :

Le massif de l'Hautil est une butte témoin de gypse située à 37 km à l'Ouest de Paris. Elle surplombe les vallées de l'Oise et de la Seine, avec un point culminant situé à 185 m de hauteur, ce qui en fait le point naturel le plus haut Ile-de-France.

Ce relief géologique est composé de plusieurs couches de roches dont du gypse du Ludien situé à 60 m de profondeur. Il forme une masse cumulée de gypse de 33 m d'épaisseur. Cette épaisseur de roche est subdivisée en 3 masses successives entrecoupées de marnes. Cette lentille de gypse s'affine progressivement lorsque l'on se dirige vers l'Ouest de la butte. Ce gypse est recouvert par des marnes vertes et des sables de Fontainebleau.

carrieres massif hautil
coupe géologique massif hautil

Carte géologique de la zone de l'Hautil. Le gypse apparait marron beige.
(carte géol. de Versailles 50/1000éme)

Coupe géologique du massif de l'Hautil. La 1ère masse de gypse est la plus souvent exploitée à une profondeur d'environ 60 m de profondeur.
 
Cette butte est bien visible sur les photographies aériennes, car elle est couverte d'un massif forestier dense qui n'a pas été exploité depuis les années 1950. La présence de ce boisement s'explique par le fait que la zone n'est pas constructible à cause des carrières de gypse sous-jacentes. Ce massif forestier est à cheval sur de nombreux bancs communaux : Evecquemont, Menucourt, Boisemont, Ecancourt, Vaux-sur-Seine, Triel-sur-Seine, Maurecourt, Chanteloup-les-vignes et Andrésy.

Photo aérienne du massif de l'Hautil, identifiable grâce à la forêt qui le recouvre.

Ensemble des communes ayant une portion du massif sur leur territoire.

 

 

L'extraction du gypse de l'Hautil :

Le gypse du massif a été exploité sous forme de carrières souterraines à partir de 1764. C'est essentiellement la première masse, d'une hauteur pouvant atteindre 10 m, qui fut exploitée. Parfois la seconde masse de gypse fut partiellement exploitée, mais la roche était de moins bonne qualité. C'est au total 800 hectares du massif de l'Hautil qui furent exploités. Une véritable industrie se mis en place fournissant de nombreux emplois à la population des communes citées ci-dessus. L'extraction pendant plus de deux siècles fut relativement artisanale, puis à l'aube de l'&eagrave;re industrielle, elle bénéficia de la mécanisation. Les chemins de fer industriels à voie étroite firent leur apparition via des wagonnets et des locomotives. En parallèle, l'utilisation de la poudre noire, à partir de 1919, accélère le rendement. La main d'œuvre locale ne suffit bientôt plus et après guerre des immigrés polonais et italiens furent embauchés dans les carrières de gypse. C'est dans les années 1960 que cette industrie locale fut à son apogée avec une quantité extraite d'un milion de tonnes par an. Cette industrie fleurissante périclita progressivement et disparut au début des années 80, avec la fermeture la carrière dite de la "mécanique".

carrieres massif hautil
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 Exploitation partiellement mécanisée, vers 1910, avec l'apparition de wagonnets sur voies étroites. (gravure de la carrière Port-Maron)
Cavage d'une carrière de gypse avec des wagonnets à benne basculante et une locomotive électrique. Sans doute la carrière de Pissefontaine.
(source: Derelicta, coll. M.Pécé)

Ces exploitations souterraines offrent un paysage souterrain caractéristique du massif de l'Hautil. Les hauteurs d'exploitation sont impressionnantes, atteignant souvent les 10 m de hauteur. D'autre part, les piliers ont été taillés de façon trapézoïdale afin d'augmenter la portance du ciel de carrière. Enfin, le renfort du ciel a été réalisé via des arches de confortations en meulières. Dans la plupart des autres exploitations, ce sont des étais en bois qui remplissent ce rôle. Ces arches sont appelées "confortations à l'anglaise" et ont été réalisées par des maçons italiens sans emploi ou en période creuse. Chaque consolidation est unique, adaptée à forme du ciel qu'elle soutient. Les chambres d'exploitation sont reliées entre elles par des galeries de roulage qui sont le plus souvent appareillées.

Piliers trapézoïdaux typiques des carrières de gypse de l'Hautil. On peut également appercevoir des restes de meules de champignonnière. (carrière Sebillotte)
Confortations dites à "l'anglaise" réalisées sur mesure aux fontis naissants.

 

 

Le commerce du plâtre de l'Hautil :

L'exploitation intensive de ce massif de gypse a engendré la création de plâtrières sur les bords de Seine. La plus importante d'entre-elles, était "la plâtrière" de Triel. Ces usines concassaient et cuisaient le gypse afin de le réduire en poudre de plâtre. L'exportation du plâtre se fit dans un premier temps par la route, dans des sacs chargés sur des charrois. On développa à partir du 20e s. le transport fluvial. Le plâtre était transporté par des remorqueurs à vapeur puis des péniches. De véritables ports à plâtre se mirent en place sur les berges de la Seine entre Triel et Vaux.

Une grosse partie de la production était envoyée vers la Normandie, car les bateaux revenaient à vide de Paris, où ils montaient des marchandises. Une partie de ce plâtre servait d'engrais pour chauler les champs Normands. Le reste était destiné à l'étranger (Angleterre, Italie, Belgique) via le port de Rouen. Le reste de la production était envoyé sur Paris.

platrière vaux-proverbes
Usine à plâtre Saint-Nicaire située sur la commune de Vaux-sur-Seine.
Usine à plâtre de Triel-sur-Seine
 
platrière vaux-proverbes
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Port à plâtre "Saint-nicaire" de Vaux-sur-Seine
Chargement de blocs de plâtre dans une péniche vers Meulan. (archive cg78)

 

 

L'état actuel des carrières souterraines de gypse de L'Hautil :

De ces 800 hectares de galeries souterraines, il ne subsistent aujourd'hui qu'environ 200 hectares. La disparition de ces vides souterrains s'explique de plusieurs façons. Lors de la période d'exploitation intensive, les vides d'extraction devaient obligatoirement être foudroyés par le propriétaire et cela pour des raisons de sécurité. Néanmoins, de nombreux vides échappèrent à la destruction systématique. Ils furent réutilisés parfois quelques années sous forme de champignonnières jusque dans les années 80. Mais aujourd'hui, ces carrières de gypse subissent des effondrements réguliers qui s'expliquent par deux phénomènes :

- Sur les vues aériennes, on aperçoit dans la forêt de l'Hautil une multitude de mares. Elles correspondent à des fontis en formation, qui se sont remplis d'eau en surface. Régulièrement, ces fontis s'effondrent, libérant en carrière leur masse d'eau, des marnes et des blocs de gypse. Ces fontis peuvent être gigantesques et engloutissent parfois des chênes à taille adulte. En 1990, une caravane et un jeune homme furent engloutis dans un de ces fontis.

carrieres massif hautil
fontis massif hautil
Carte IGN du Massif de l'Hautil où les nombreuses mares correspondent à des fontis en formation. La zone est bien précisée interdite.
Mare située dans le creux d'un fontis en formation situé au dessus de la carrière Bérangère. (photo Hcl)
 

- En parallèle, le gypse étant très poreux, de l'eau d'infiltration s'accumule dans ces vides souterrains abandonnés. De nombreuses galeries sont actuellement abandonnées et il se forme parfois de véritables lacs souterrains. La base des piliers de gypse trempent alors dans l'eau. Le gypse, comme du sucre, va alors fondre progressivement entrainant inexorablement la rupture du pilier. Ce sont parfois des pans entiers de galeries ou de chambre d'exploitation qui s'effondrent sur eux-même. Près de 100 hectares de bois du massif ont vu ainsi leur altitude baisser brutalement de 3 à 6 mètres !

carrieres massif hautil
Schéma d'un fontis effondré au niveau d'une carrière de gypse. A ces débris se surajoute l'eau issue de la mare qui se sera formée en surface dans le "cratère" du fontis. (doc mediaseine)
Ici, l'eau d'infiltration commence à ronger les piliers qui s'effritent au niveau de leurs angles. (carrière Bérangère)
 
Le massif forestier, situé sur cette butte de gypse, est partiellement interdit aux promeneurs. De nombreux panneaux signalétiques rappellent aux visiteurs le risque lié à ces anciennes carrières. Si ces carrières aujourd'hui ne sont pas toutes remblayées ou foudroyées c'est tout simplement que le coût de l'opération serait exorbitant pour les communes avoisinantes. Cependant, la communauté de commune du massif de l'Hautil a fait établir une cartographie précise des zones à risques qui ont été classées non constructibles. Certains travaux de consolidation et d'injections partielles sont réalisés dans certaines carrières du massif aux abords des habitations et des routes. (ex : Carrière Bérangère en 2008-2009)
cartigraphie risques carrières massif hautil
Cartographie des zones sous-minées du massif de l'Hautil. On constate qu'elle se superpose parfaitement avec la zone forestière du massif. Les zones en rouge sont très exposées et les zones en bleu moyennement exposées.
 
Ces vides souterrains présentent également un autre danger pour le visiteur trop curieux. La fermeture systématique, des entrées en cavage et des puits a favorisé l'accumulation de CO2. Il se trouve, dans de nombreuses zones de carrière, en pourcentage excessif au détriment de l'oxygène. Ce phénomène est accentué par l'apport de CO2, issu de la décomposition de la matière organique en surface (dont feuilles dans les mares et la litière), qui s'est infiltrée dans le gypse très poreux. Le premier signe d'un manque d'O2 se traduit par l'extinction des bougies. Une concentration de CO² de 0,7% dans l’air intérieur représente un niveau acceptable (le taux normal étant de 0,003%). Au-dessus de ce seuil, des maux de tête et une augmentation du rythme respiratoire peuvent être déclenchés (pour des taux de 3-4%). Le risque mortel apparaît pour des concentrations supérieures à 10%. Ces concentrations sont présentes au niveau du sol des galeries mal ventilées, car le CO2 étant plus dense que l'O2 il forme des nappes au sol.
 
Liens vers les carrières de l'Hautil visitées

Articles de presse sur le massif de l'Hautil

"Le reboisement de l'Hautil à l'ordre du jour" courrier de Mantes (9 fév.2005)

"La Ville projette de rendre la forêt de l'Hautil aux promeneurs" courrier de Mantes (28 nov. 2007)

"Accident au cours des comblements d'une carrière de l'Hautil" magazine des Nouvelles des Deux Rives (4 août 2008)

"Comblement des carrières sous la RD2" magazine extrait du Journal Planitre de l'Hautil (mars 2008)