Les aménagements militaires stratégiques des creutes ...

 

Dans toutes les creutes on retrouve des traces d'aménagements militaires assez similiaires. On peut penser que certaines techniques testées à un endroit étaient ensuite généralisées par les gradés. D'autres part, quand l'ennemi récupérait une carrière occupée, il profitait de la technologie des adversaires. Cependant, les techniques employées ne s'appuyaient que très rarement sur le savoir faire des carriers. Les aménagements intérieurs se prolongeaient de façon stratégique à l'extérieur.

Les aménagements intérieurs des creutes :

A l'intérieur des creutes étaient mis en place un certains nombres d'infrastructures d'ordre militaire. Les plus gros aménagements étaient réalisés par des prisonniers de guerre. Du côté Allemand, les prisonniers Russes, habillés de simple sacs à pomme de terre, ont aménagé de nombreuses creutes. La plupart mouraient d'épuisement.

Les consolidations de la carrière :

Dès qu'un régiment prennait possession d'une carrière, il commençait par sécuriser la zone occupée. Des piliers maçonnés étaient édifiés pour soutenir les zones ayant un ciel fragilisé. Ces piliers sont le plus souvent constitués de pierres de tailles bien régulières assemblées avec un mortier gris. En parallèle, les entrées en cavage étaient également renforcées avec des piliers, ainsi que des murs maçonnés. Ces murs étaient parfois percés de meurtrières. L'objectif était de renforcer la protection des cavages mais également de les rendre plus résistants face aux bombardements. Prêt des entrées, les soldats perçaient également deux trous qui servaient à déposer de la poudre pour faire sauter l'entrée en cas d'invasion non maitrisée. Ces logettes étaient appelés "fourreaux de mines".

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Piliers et murs maçonnés édifiés par les allemands, dans la grotte de l'éléphant.
Fourreau de mine visible à gauche d'un tunnel de sortie.

 

Les aménagements de confort et de sécurités :

Une fois ce gros œuvre réalisé, les soldats s'attelaient à mettre en place des aménagements légers destinés à améliorer leur quotidien, mais également à renforcer la sécurité:

- Un fléchage systématique des galeries était peint sur les murs afin que le soldat se repère facilement dans ces labyrinthes sombres qui s'étendaient parfois sur plusieurs hectares. Cette signalétique indiquait en premier lieux les sorties en cavages et via des tunnels, les différentes zones si la carrière était grande, des lieux particuliers (latrines, postes de secours, poste de commandement, etc ...).

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On peut voir ici trois inscriptions: la sortie via un tunnel, la sortie via un cavage et les toilettes appelés à l'époque " feuillées".
Inscription de direction laissée par les allemands.
 
Fléchage du poste de secours dans la carrière des 5 piliers. (photo Titan)
Inscription et "logo" en forme de cloche indiquant la direction des deux postes de commandements aux 5 piliers. (photos Titan)
 

- Des "coupe-vent" pour limiter les courants d'air s'engouffrant par les cavages et donc le vent. Parfois ce rôle était assuré par des murs mais également par des toiles goudronnées tendues sur des cadres en bois. Ces toiles auraient eu également un rôle pour limiter la propagation des gaz de combats.

Murs maçonnés servant à isoler les soldats du froid.
Schéma de la disposition de la toile goudronnée sur un cadre de bois.
 

- Des installations pour ralentir l'ennemi. Dans les galeries étroites, des murs en chicanes pouvait être édifiés. Des remparts de sacs de sable ou de ciment étaient installés aux abords des entrées ou à la base des puits d'aération afin de limiter le souffle des bombes. Enfin, les fils de fer barbeléétait placés en grand nombre.

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Barbelés d'époque bordant une galerie principale (creute du Soissonais)
Sacs de ciment encore en place à la base d'un puits d'aération. (Aisne)

 

 

Les aménagements extérieurs en connexion avec l'intérieur :

Les tranchées aux abords des creutes :

- En pleine "guerre des tranchées", les creutes ne pouvaient être déconnectées de ces dernières. Les creutes ont été progressivement reliées aux réseaux de tranchées, présent à l'extérieur, grâce à de multiples sorties creusées directement dans la roche par les militaires. Ces tunnels de sorties étaient souvent équipées d'escaliers et traversaient le ciel de carrière. Les soldats utilisèrent essentiellement des pioches et des perceuses à grandes mèches. Les creutes firent alors partie intégrantes du réseau de tranchées.

- Autour de certaines creutes situées en pleine forêt et dont la visibilité ne portait pas loin, les militaires installaient également des postes d'observations dans les arbres environnants. Les arbres les plus hauts étaient équipés d'échelles et de plateformes.

- Enfin, des forages étaient creusés dans le ciel de carrière afin de servir de "puits d'écoute" de la surface.

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Tranchée en connexion directe avec un tunnel s'enfonçant dans la creute.
Escalier d'un tunnel remontant en surface (PC colonel Reboul)
 

Tunnels de sortie dont l'un possède un escalier taillé dans la roche et qui était renforcé de planches de bois, dont il ne reste que les encoches.
Echelle conduisant à une plate forme d'observation située aux abords de la carrière des Chauffours.(coll. R. Martin)
 

Les "braquements" extérieurs :

Malgré le danger extérieur, quand la carrière n'était pas trop exposée au front, les abords des cavages étaient investis par des baraquements de tous genres. Parfois, on construisait de beaux appartements d'officiers qui profitaient de la lumière, mais le plus souvent il s'agissait de cabanes en bois. Les soldats qui s'y installaient été chargés de monter la garde. Il arrivait également que l'on aménage des aires de détente avec quelques tables, des escaliers et des chemins, afin que les pauvres soldats puissent profiter des beaux jours en pleine lumière.

Aménagements construits aux abords d'un cavage des 5 piliers. (coll. Guénaff)
Aménagements aux abords des carrières de Confrécourt.
 

Les mystérieux tunnels militaires :

Les militaires, essentiellement allemands, creusèrent des tunnels stratégiques qui permettaient de ressortir plus loin à l'insu de l'ennemi. Leur longueur est parfois de plusieurs centaines de mètres et certains permettaient de traverser la totalité de la colline du "chemin des dames". Certains servaient également à placer des mines sous la creute de l'ennemi. Néanmoins, leur logique est parfois difficile à interpréter. Comme par exemple sous la carrière de Vassens, où l'on trouve un tunnel en partie effondré qui laisse perplexe les spécialistes dans le domaine !

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Le long tunnel allemand passant sous la carrière de Vassens.
L'autre extrémité du tunnel de Vassens qui est effondré au milieu.
 

Ces tunnels étaient creusés avec des techniques et du matériel spécifiquement militaire. Les traces laissées par les outils sont totalement différentes de ceux des carriers. Souvent, ils utilisaient des perforatrices électrique de gros calibre équipées d'une très longue mèche. Ce matériel trouve son origine dans les mines.

Les tunnels de sorties, qui connectaient la carrière aux tranchées, ont été également creusés avec ce type de matériel.

Exemple de perforatrice utilisée par les militaires (doc JF)

 

 

Les objets liés aux combats :

De toute cette activité militaire, il reste des objets abandonnés au sol, dans une niche ou sur le rebord d'une hague. Parfois, on découvre des objets des deux camps, allemands et français, qui se sont succédé dans la même carrière. Malheureusement des collectionneurs d'objets militaires récoltent systématiquement toutes ces traces, témoins du passé qui appartiennent pourtant à la mémoire collective.

masque gaz poilu souterrain creute

grenade allemande creute
Reste de masque à gaz. (Creute du Soissonais)
Grenades allemande à manches. (Creute du Soissonais)